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Le CSE, un lieu d’échanges… mais pas toujours sur les bons sujets

Dialogue social | publié le : 09.03.2022 | Benjamin d’Alguerre

CSE, Comité Social et Economique

Le premier baromètre du dialogue social du Groupe Alpha démontre que si le CSE demeure un lieu d’échanges et d’information entre directions et salariés, la pertinence des thèmes abordés lors des réunions est à l’origine de fortes divergences entre parties prenantes. Pour les élus, on n’y parle pas suffisamment de partage de la valeur, de QVT, de stratégie de l’entreprise ou d’écologie.

Cela va sans dire, mais ça va mieux en le disant : le dialogue social n’est pas une pratique naturelle dans les entreprises. C’est ce que confirme le premier baromètre du dialogue social réalisé par le Groupe Alpha dévoilé le 7 mars. Selon les résultats de cette enquête réalisée en septembre 2021 auprès de 1 721 personnes (1 570 représentants du personnel et 155 représentants de direction générale et de direction des ressources humaines), les réunions d’information-consultation entre élus des salariés et représentants de l’employeurs ont lieu… parce que la loi les y contraint. C’est en tout cas ce que pensent 88 % des élus et représentants salariés, mais aussi 50 % des directions. Loin des clichés sur un dialogue qui se structurerait dans un cadre mutuellement consenti et apaisé, "l’obligation légale reste un élément déclencheur et structurant du débat dans l’entreprise, quelle que soit sa taille. Il y a donc une responsabilité et une légitimité du législateur à régulièrement soutenir et à enrichir ce rôle", estiment les experts du Groupe Alpha.

Toutefois, même s’il est réalisé sous la contrainte du Code du travail, le dialogue social d’entreprise n’est pas jugé comme un exercice inutile. 91 % des représentants des employeurs considèrent les réunions de CSE constituent "un lieu de pédagogie mais, également, de remontées d’informations pour faire évoluer des projets". Côté élus, le CSE est d’abord "une instance d’information permettant de satisfaire un besoin de compréhension" (97 % d’entre eux le pensent), "au sein de laquelle les syndicats doivent faire valoir leur point de vue" (pour 81 % d’entre eux). Pour les directions, il s’agit "d’une instance où elles doivent avant tout expliquer les sujets" (pour 94 % d’entre elles) et "identifier les objections pour y répondre" (pour 91 % d’entre elles). "De ce point de vue, il y a une bonne compatibilité entre les attentes des deux parties et chacune est dans son rôle", notent les auteurs de l’enquête. Représentants du personnel et de l’employeur ne confondent d’ailleurs pas les instances. Pour 64 % des premiers et 52 % des seconds, le CSE n’est pas un lieu de négociation, celle-ci devant rester l’exclusivité des délégués syndicaux. Pour autant, les avis exprimés au sein du comité social et économique n’ont pas vocation à être des paroles en l’air : 91 % des employeurs indiquent tenir compte des remarques formulées par les représentants des salariés.

Les avis des parties prenantes divergent cependant sur l’importance des thématiques abordées lors des réunions. La stratégie de l’entreprise ? 51 % des employeurs indiquent l’avoir évoquée "souvent" en CSE lors des douze mois précédant l’enquête… contre 33 % des élus. La qualité de vie au travail ? 88 % des représentants patronaux estiment qu’il s’agit d’un sujet récurrent contre 68 % de ceux du personnel. Vingt points d’écart ! La prévention des RPS ? Régulièrement évoquée selon 75 % de la partie employeurs contre 65 % des représentants des salariés. Davantage de convergences entre revanche sur la formation et le plan de développement des compétences puisque 50 % des élus et 53 % des directions estiment que le CSE participe aux débats sur ce sujet, mais pas nécessairement de façon suffisante. Pour 39 % des représentants du personnel, le sujet n’est que "rarement" abordé, un avis que partagent 42 % de leurs homologues employeurs. Le partage des richesses en revanche, est un vrai sujet clivant. Là-dessus, le dialogue social relève surtout du dialogue de sourds : 30 % des employeurs affirment "souvent" l’aborder alors que pour 33 % des élus, cette question ne vient "jamais" sur la table. Incompréhension mutuelle, donc… "La question du partage des richesses relève des délégués syndicaux puisque ce sont eux qui négocient sur les salaires et les primes mais aussi sur l’intéressement et la participation. Le sujet est également abordé dans les réunions de CSE mais celui-ci n’a pas d’attribution particulière en la matière. Il peut en résulter une perception différente sur la place à accorder à ce sujet en CSE", expliquent les experts du Groupe Alpha. N’empêche que selon les chiffres de la DGT, l’année 2020 a enregistré 2 600 accords portant sur les primes et les augmentations de salaires de moins que l’année précédente. De quoi peut-être convaincre les élus que le CSE constitue aussi un lieu où aborder cette question.

La lutte contre les discriminations divise également. Si les deux parties jugent qu’il s’agit d’un sujet important, son traitement est en revanche beaucoup plus relatif : 34 % des élus et 32 % de la partie patronale reconnaissent que le sujet est rarement évoqué. "L’apparente contradiction entre l’affirmation de cette priorité et le fait que ce sujet soit peu abordé dans le dialogue social pourrait être le reflet d’une convergence sur l’objectif, mais assortie d’une insuffisance d’outils et d’appropriation. Le fait que le sujet semble mieux traité dans les entreprises de plus de 5 000 salariés pourrait refléter une mise en œuvre de moyens plus adaptés à la problématique. Il manque une approche structurée pour mesurer les discriminations et agir résolument sur elles. Cette situation peut conduire à sous-estimer les effets en interne et à l’externe de pratiques délétères ou discriminantes", estiment les auteurs de l’étude. Avec la formation comme possible moyen de faire évoluer ces résultats à la hausse.

Restent les préoccupations environnementales qui s’invitent trop peu à la table du CSE, notamment les efforts pour assurer une décarbonation des activités de l’entreprise. Une question qui a l’avantage de mettre les deux parties d’accord puisque 55 % des élus et 41 % des représentants patronaux avouent qu’elle n’est "jamais" abordée contre respectivement 4 % et 11 % qui estiment qu’elle l’est "souvent" en dépit de la loi Climat qui en fait l’un des sujets à aborder en conseil social et économique. Pour les auteurs de l’étude, "il est surprenant que la décarbonation des entreprises soit si peu évoquée au regard de l’adaptation nécessaire des entreprises aux enjeux de transition environnementale et à la pérennité des conditions d’exercice de leur activité : évolutions des produits/ services, modalités de réalisation/fabrication, sources d’énergie, transports et mobilité des salariés… Si les entreprises semblent se saisir de ce sujet comme objet de communication externe, on peut s’interroger sur la faible présence du sujet dans le débat interne à l’entreprise. Il est nécessaire que les engagements environnementaux exprimés par les entreprises ainsi que les enjeux de transformation liés à la décarbonation se traduisent pleinement en leur sein en y associant les représentants du personnel et les salariés". Les IRP n’ont manifestement pas encore engagé leur virage écolo…

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre