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Front syndical presque unanime contre le Front National

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 08.06.2015 | Anne Fairise

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Toutes les grandes confédérations, hormis FO, ont signé un texte commun « pour barrer la route aux idées d’extrême droite ». Salutaire mais bien tardif.

On ne dira jamais assez l’importance des actes symboliques. Presque toutes les grandes confédérations syndicales viennent d’en poser un, en consignant dans un manifeste leurs « valeurs communes » face « à la montée du populisme, de l’extrême droite et de ses idées, de la xénophobie, du sectarisme et du fondamentalisme ».

Salutaire mais tardif, plusieurs semaines après les élections départementales. Et historique, même si la photo de famille, rassemblant contestataires et réformistes, reste incomplète.  Manque Force Ouvrière qui déplore un texte « plus proche de l’agit-prop que du concret » par la voix de Pascal Pavageau, son officieux numéro deux, successeur pressenti de Jean-Claude Mailly.

Les attentats terroristes, début 2015 à Paris, sont à l’origine du sursaut. Le 11 janvier, CGT, CFDT, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires avaient mis naturellement de côté leurs divergences pour défiler côte-à-côte derrière une bannière noire « Nous sommes Charlie ». Spontanément, dès le 20 janvier, les sept organisations se sont retrouvées pour bâtir leur manifeste sur le « travailler ensemble », par lequel elles entendent faire vivre chez leurs militants et adhérents « l’esprit du 11 janvier ». Voire le « raviver », selon Luc Bérille, secrétaire général de l’Unsa.

Le document, qui traite de l’emploi et du travail, des discriminations, de l’action dans les cités, des politiques éducatives et même de la laïcité, n’avance pas de solutions. C’est un texte de portée très générale, forcément de compromis. 

Ne pas stigmatiser

La conférence de presse, vendredi 5 juin, l’a clairement mis en évidence. Philippe Martinez (CGT) a été le premier à souligner « l’incompatibilité » entre les valeurs syndicales et celles prônées par l’extrême-droite. Mal-à-l’aise, Philippe Louis (CFTC) n’a, lui, parlé que des discriminations à l’embauche et en emploi, pour déplorer que « seules 15% des entreprises aient signé un accord sur la diversité » et rappeler la volonté des signataires de renégocier l’accord national interprofessionnel (Ani) de 2006 sur la diversité, paraphé à l’époque par la CFDT, la CFTC, la CGT et FO. Rien de nouveau: la renégociation a été inscrite, en début d’année, à l’agenda social. 

Carole Couvert (CFE-CGC) a d’abord célébré une démarche unitaire « et la capacité à se rassembler dans la durée »... Puisque, depuis fin janvier, cinq réunions se sont tenues pour bâtir le texte. Pour la centrale des cadres, qui a toujours refusé de s’exprimer sur des sujets dits sociétaux, le manifeste augure un changement de posture. Amorcé à grands renforts de débats. La simple mention de l’extrême-droite dans le texte a suscité de vives discussions au sein de son comité directeur, qui l'a finalement adopté à l’unanimité. « Nous aurions préféré la mention d’extrême tout court. Si chaque organisation avait écrit le texte, il serait très différent », commente la patronne des cadres.

Valeurs de bienveillance

Une polyphonie à la mesure des engagements, à géométrie variable. La CGT a constitué, depuis dix-huit mois, un groupe de travail confédéral sur le sujet. Comme la CFDT, où une task-force de onze personnes intervient pour débattre dans les structures territoriales ou les sections d’entreprise. La CGT, la FSU et Solidaires ont collaboré à l’édition, l’an dernier, d’un livre En finir avec les idées fausses propagées par l’extrême droite. Et les trois organisations initient, régulièrement, des journées de débats et de formation pour outiller leurs militants. 

Le FN, même s’il est présent entre les lignes, n’est jamais cité dans le document de huit pages. « Ce n’est pas un manifeste contre le Front national. Cela reviendrait à le mettre une nouvelle fois au centre du jeu. Le texte va au-delà. Nous voulons mettre en avant les valeurs de dialogue, de bienveillance et de solidarité qui rassemblent le syndicalisme », martèle Laurent Berger (CFDT). « On peut faire autrement que stigmatiser », renchérit Bernadette Groison (FSU). Le positif donc, plutôt que le négatif. L’objectif est d’ouvrir, ou rouvrir, un débat contradictoire chez les adhérents et les militants. « C’est déjà très délicat dans certaines entreprises où les salariés sont très divisés et où on trouve des tracts FN dans certains casiers », souffle Luc Bérille (Unsa). 

Photo parisienne

Chaque centrale syndicale va diffuser le manifeste auprès de ses structures territoriales ou, comme la CFDT, sous forme de livret aux adhérents. Charge à chacun de se l’approprier et, selon les mots de Carole Couvert, de « lui donner une coloration locale ». Mais aucune initiative commune n'est prévue, le sujet n’ayant même pas été évoqué. « Les initiatives descendantes ne donnent rien », souffle Jean-Louis Malys, de la CFDT.

Même sur un texte très général, rappelant que « l’emploi doit être source d’intégration et de reconnaissance dans la société ». Ou que les militants syndicaux agissent « pour un refus total des dérives comportementales excluantes ou discriminatoires entre collègues mais aussi de la part ou vis-à-vis du public accueilli ». Les sept organisations syndicales n’ont donc pris aucun risque. Mais le symbole est posé. 

Auteur

  • Anne Fairise