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François Ruffin, agitateur du mouvement social

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 07.06.2016 | Manuel Jardinaud

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François Ruffin, journaliste

Crédit photo D. R.

Le réalisateur du film "Merci patron !" continue de souffler le chaud et le froid, tantôt bouffon utile, tantôt pourfendeur malhabile. Retour sur un personnage qui ne laisse pas indifférend.

Un trublion, François Ruffin ? En tout cas, une figure – souvent rigolarde – du mouvement social après le succès surprise de Merci patron ! Dernier coup d'éclat : une grande interview publiée par le quotidien Libération le lundi 6 juin, qu'il dénonce dès le lendemain en criant à la censure. Une polémique pas si claire pour l'image du fondateur du magazine Fakir, qui illustre la dualité du personnage.

Sa nouvelle célébrité nait début 2016. Sa «comédie documentaire», qui dénonce les dégâts humains des méthodes managériales de Bernard Arnault, le patron du groupe de luxe LVMH, est devenue une référence des opposants au projet de loi travail. Le 31 mars, à la suite de la manifestation parisienne contre le texte, la première Nuit debout est organisée à Paris pour projeter son film potache. La place de la République prend alors des allures de salle de cinéma à ciel ouvert, avant de devenir un lieu de rassemblement très hétéroclite. Puis un véritable événement politique.

Fondateur du journal satirique Fakir, François Ruffin provoque des réactions tranchées. Les uns le détestent, les autres l’adorent. «C’est un journaliste exceptionnel, sérieux et farceur à la fois», dit de lui son ami metteur en scène et écrivain Gérard Mordillat. «Il a une vision étendue du mouvement social», abonde Éric Beynel, porte-parole de Solidaires, qui apprécie les combats du quadragénaire. Mi-ange, mi-démon. Adorable ou agaçant. Un activiste forcené au regard d’enfant malicieux. «Je fais du journalisme pour changer les choses», annonce en guise de projet professionnel l’ancien étudiant du Centre de formation des journalistes.

Celui-ci a fondé son magazine à Amiens, en 1999, pour offrir une alternative à la presse locale. Qui, à ses yeux, ne rendait pas compte des luttes sociales dans une Picardie ravagée par la désindustrialisation. De fait, François Ruffin va là où les ouvriers sont en colère : dans le secteur du textile, bien sûr, mais aussi dans les usines Continental et Goodyear, théâtres de conflits emblématiques dans sa région. Il y côtoie les figures les plus marquantes mais ne s’y inscrit pas dans la durée. «Il a probablement suivi le conflit, mais on ne l’a pas vu chez nous», assure Antonio da Costa, de la CFTC. Le syndicaliste, lui, a poursuivi le combat des Conti devant les tribunaux…

«Ne plus être seulement le petit journaliste picard»

François Ruffin, qui veut «porter la parole de la France périphérique», cherche assurément la lumière. «Je voulais que mon film me fasse changer de statut, ne plus être seulement le petit journaliste picard», confesse le cinéaste en herbe. Pari réussi, il a aujourd’hui pris une dimension nationale. Pourtant, l’agitateur ne promène plus guère sa silhouette d’adolescent à Nuit debout. Car le voilà pris dans son propre paradoxe, entre soif de reconnaissance et refus d’être considéré comme un leader d’un mouvement de masse. «J’ai besoin de distance», confie-t-il.

L’homme n’entend pas renoncer à son credo : informer sur les mouvements sociaux en agitant la sphère médiatique. Mais il promet de ne pas réaliser un «Merci patron ! 2», malgré les 500 000 entrées enregistrées. Abandonner son combat contre le patronat ? «Je fais la différence entre les grands groupes et les petits patrons», précise-t-il. Il envisage même d’aller davantage à leur rencontre. Pourquoi pas pour fédérer les damnés du capitalisme, dirigeants de TPE et artisans compris. Quitte à désarçonner ses fans, le militant veut encore surprendre. Il caresse d’ailleurs l’idée de rencontrer Pierre Gattaz, le patron du Medef.

Auteur

  • Manuel Jardinaud