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Des experts au milieu du champ de bataille

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 21.06.2016 | Emmanuelle Souffi

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Acteurs incontournables de tous les grands projets d’entreprise, les experts CE et CHSCT jouent une partie délicate. À eux d’éclairer les débats entre des élus qui les désignent et des patrons qui les paient malgré eux. Une posture inconfortable.

L’anecdote prête à sourire. Quand il pénètre dans cette entreprise familiale, Christian Pellet sent bien qu’on ne va pas lui dérouler le tapis rouge. Dans la salle de réunion, les dirigeants s’installent sur une estrade. Le patron de Sextant et son équipe, eux, dans des fauteuils placés à leurs pieds, en position la plus basse possible. « Tout était fait pour nous déstabiliser », se souvient-il. Pour les experts auprès des comités d’entreprise (CE) et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), la vie ressemble parfois à un film tragi-comique, avec ses portes qui claquent, ses coups tordus et ses effets de manches. Poussées par le législateur et le juge, qui ont étendu leur champ d’intervention, les missions se multiplient. En 2014, il y en a eu 1 231 rien que sur le créneau des conditions de travail  (+ 7 %), selon la Direction générale du travail.

Un volume important, mais qui peut encore beaucoup croître, au regard des quelque 25 000 CHSCT recensés dans l’Hexagone. En témoigne la pléthore d’annonces de recrutement de consultants juniors et seniors disponibles sur le Net. Un marché sur lequel les postulants peuvent venir d’horizons très divers, en l’absence de formation clairement identifiée. Jeune diplômé en finances ou en audit, expert-comptable, syndicaliste, ergonome ou psychologue, voire journaliste social… Les profils sont aussi variés que les missions auxquelles ils se frottent. La plupart du temps embauchés à temps plein en CDI, ils pâtissent aussi des impératifs de rentabilité. Des vacataires en sous-traitance viennent ainsi à la rescousse, notamment au printemps lors de la publication des comptes. Leurs tarifs, moins élevés que ceux des seniors, permettent aussi de faire baisser les coûts des missions et de rester dans la course en cas d’appel d’offres. Une pratique de plus en plus fréquente.

Avec la crise, les conditions d’exercice de ces professionnels se sont complexifiées. « Notre ­métier est plus difficile car le climat social s’est dégradé. On cristallise les tensions », témoigne Valérie Pérot, qui a créé son cabinet, Aepact, spécialisé dans les conditions de travail. Bien sûr, toutes les expertises ne donnent pas lieu à un bras de fer avec les directions. Mais rares sont les dirigeants qui apprécient de voir des inconnus mettre le nez dans leurs affaires pour éclairer un projet en cours. « Ils le vivent comme une espèce d’intrusion, se sentent jugés par des tiers », souligne Christian Pellet. Des tiers qui, agissant pour le compte des élus du personnel, sont par nature catalogués prosyndicats et, donc, antipatrons.

Auteur

  • Emmanuelle Souffi