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Des branches en manque de souffle

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 19.06.2015 | Emmanuelle Souffi

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Tous les experts reconnaissent la place essentielle des branches professionnelles pour relever les défis liés aux RH. Pourtant, elles peinent à soutenir les entreprises dans leur quête de compétitivité, selon l’enquête AOPS que nous dévoilons en exclusivité.

Dans les branches, pas facile de se mettre autour de la table pour discuter des thèmes sensibles mais cruciaux pour la vie des entreprises. Alors que la mission Combrexelle réfléchit aux moyens d’étendre la négociation au plus près du terrain et que France Stratégie réunit une commission d’experts sur le même sujet, les fédérations patronales se sentent parfois isolées. Mises à l’index sur le pacte de responsabilité, elles éprouvent toutes les peines du monde à définir des contreparties aux allégements de charges ainsi que des leviers d’action pour améliorer la compétitivité.

C’est ce qui ressort de l’enquête menée par l’Association pour l’optimisation de la protection sociale (AOPS) en partenariat avec Liaisons sociales magazine. Un travail de fond portant sur les fédérations professionnelles de 81 bran­ches, couvrant 7,5 millions de salariés.

Préoccupées par les enjeux relatifs à la compétitivité, les branches refusent très majoritairement de s’engager sur des embauches fermes, y compris en apprentissage. Elles jugent plus opportun de s’accorder sur l’organisation du travail, la forma­tion, les compétences. Mais des intentions aux actes, il y a un fossé. En ces temps compliqués, pas question, de déterrer la hache de guerre sur le chapitre sensible des classifications. Alors même que ces dernières n’ont pas bougé depuis des années dans la majorité des secteurs.

 

Stimuler la compétitivité ? Oui, mais…

Le pacte de responsabilité a beau avoir été voté il y a un an et les 40 milliards d’euros d’aides débloqués, la pression du gouverne­ment sur les branches pour négocier des contreparties ne porte pas ses fruits. Certes, d’après l’enquête de l’AOPS, 75% conduisent des réflexions sur le ­sujet. Et seules 16% ­n’envisagent aucunement d’ouvrir des discussions.

Sauf que quand syndicats et patronat se rencontrent pour parler compétitivité, c’est très rarement dans l’intention de formaliser des engagements. Quitte à paraphraser Manuel Valls, «le compte n’y est pas». Et François ­Rebsamen, le ministre du Travail, va devoir à nouveau taper du poing sur la table s’il veut tenir sa promesse de rappeler à l’ordre les fédérations professionnelles les plus récalcitrantes.

Pourtant, huit branches interrogées sur dix voient un intérêt à développer des dispositifs favorables à la compétitivité. Elles en font un enjeu de débat mais demeurent ensuite frileuses. «Elles sont ­fortement mobilisées sur d’autres ­sujets et n’ont pas les moyens de tout mener de front», nuance Bernard Mercier, directeur de l’AOPS.

STIMULER

 

L’organisation du travail, sujet majeur

Pour doper leur capacité à ­résister à la concurrence ­internationale, les branches jugent opportun de ­plancher sur la souplesse ­organisationnelle des ­entreprises, le développement des compétences et la modération salariale: 28  plébiscitent ainsi les dispositifs liés au temps de travail, 27  ceux qui touchent à la ­formation. Et 17 préfèrent actualiser leur grille de classifications, revoir les minima salariaux ou les packages de rétri­bution globale.

Une façon d’aborder de côté la question des salaires, en évitant l’écueil des ­augmentations collectives. En revanche, s’engager sur des embauches ou une préservation des ­emplois n’est envisagé que par moins de 9 % des ­syndicats patronaux. «Ils sont dans des situations ­économiques encore ­incertaines et ­recruter reste un pari hasardeux. La confiance n’est pas totalement revenue», note ­Bernard Mercier.

Organisation

 

Les compétences font consensus

Quand il s’agit de négocier des accords, les branches aiment à se pencher sur la vie du salarié dans ­l’entreprise et le développement des compétences. Formation, diversité, ­responsabilité sociale des ­entreprises, apprentissage, ­insertion des jeunes sont ainsi perçus comme des sujets consensuels sur lesquels il est aisé de discuter. Sont jugées nettement plus délicates les questions relatives à l’emploi, aux carrières, aux conditions et temps de travail.

Mais ce n’est pas parce qu’un sujet est simple d’approche qu’il donne lieu à engagement. ­L’apprentissage en fournit un bon exemple. Les branches en sont friandes, en parlent beaucoup mais rechignent à afficher des quotas ­d’embauche. «Pour toutes, c’est un bon levier, mais on observe un coup d’arrêt depuis la ­dis­parition de certaines aides financières, observe le ­directeur de l’AOPS. Par ailleurs, il est plus facile de trouver des apprentis que de les retenir. Cela demande une double mobilisation des opérationnels et des DRH pour leur offrir des ­perspectives.» Des difficultés qui, cumulées à la crise, freinent l’enthousiasme des ­dirigeants, lesquels préfèrent y mettre le holà.

Compétences

 

Des classifications obsolètes

La révision des grilles de classifications reste un ­sujet délicat. La preuve, plus d’un quart (28 %) d’entre elles n’ont pas fait évoluer leur système depuis plus de vingt ans. Et près de 90 % n’y ont pas touché au cours des cinq dernières années! Or, pour 87% des ­fé­dérations patronales, il s’agit d’un enjeu important, notamment pour ­tenir compte de l’évo­lution des métiers et des besoins de recrutement. «Tout le monde est conscient de l’obsolescence des classifications, qui sont le socle de toute la politique RH. Mais choisir la méthode et s’accorder sur le positionnement des emplois demande beaucoup d’efforts», explique Bernard Mercier.

Le plus délicat? Éviter l’inflation ­salariale ! Faire converger les avis sur les minima garantis reste le point le plus ­épineux pour les branches. Dans le passé, ces planchers se sont beaucoup élevés sous la pression  des 35 heures et des coups de pouce au Smic. Les augmenter à nouveau via une remise à plat des coef­ficients pourrait mettre encore plus en péril des entreprises fragilisées par la crise économique.

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Auteur

  • Emmanuelle Souffi