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CSE : « Les objectifs de 2017 n'ont pas été atteints » (Camille Dupuy)

Dialogue social | publié le : 02.12.2020 | Propos recueillis par Lys Zohin

   

Camille Dupuy, maîtresse de conférences en sociologie à l'université de Rouen, chercheuse DySoLab et au Centre d'études de l'emploi et du travail (CNAM, Paris) dresse un bilan des ordonnances de 2017 sur les CSE et des évolutions au fil de la crise sanitaire.

Quel bilan tirez-vous des ordonnances de 2017 ?
Camille Dupuy :
Les ordonnances visaient une régulation du dialogue social de proximité, en allant au plus près des salariés dans les entreprises. Or dans les grandes organisations, les CSE d'établissements se sont retrouvés affaiblis par rapport au CSE central de l'entreprise, notamment avec la remontée vers le siège des compétences économiques et stratégiques. En outre, les représentants de proximité – lorsqu'ils existent – n'ont pas de moyens formels pour faire remonter l'information. En réduisant, comme l'ont fait les ordonnances, le nombre d'instances et de mandats, on va moins vers le local et la décentralisation. Autant dire, dans ces conditions, que les objectifs fixés en 2017 n'ont pas été atteints.

Quelles solutions préconisez-vous, surtout en cette période de crise ?
C. D. :
Si les entreprises doivent engager les salariés pour espérer sortir de la crise ensemble, ce n'est pas le CSE ni le dialogue social actuel qui le permettent... Dans de nombreux cas, les entreprises respectent la procédure : elles informent et consultent le CSE, mais cela s'arrête là. Le CSE sert trop souvent de chambre d'enregistrement. Et c'est la même chose pour les négociations obligatoires. Les obligations d'information, de consultation, de négociation doivent aller beaucoup plus loin. Pour l'instant, elles n'obligent pas l'employeur à prendre en compte les recommandations et les avis, surtout s'ils sont négatifs, du CSE. Elles n'obligent pas à dialoguer. Les attributions dévolues aux salariés dans ce cadre doivent donc être plus fortes. Et cela doit passer par le Code du travail.

Y a-t-il eu des évolutions, depuis 2017, sur le rôle du CSE et des partenaires sociaux ?
C. D. :
Certains CSE mis en place à la date limite du 1er janvier 2020 n'ont quasiment connu que le confinement et le télétravail... Ce qui ne favorise pas le recueil d'informations de terrain. De plus, le distanciel, mis en place pour les CSE par le ministère du Travail, a compliqué le travail des élus. La qualité du dialogue social s'est appauvrie. C'est l'informel, qui, à la pause-café, permet aux syndicats d'accorder leurs violons sur un point précis, par exemple. Enfin, nous constatons une attitude défensive, visant à limiter la casse, de la part des CSE comme des délégués syndicaux. D'autant que la crise affaiblit le pouvoir de négociation des salariés. Elle sert même parfois d'aubaine, puisqu'y compris dans des secteurs peu touchés par la crise, on voit des plans sociaux.

Auteur

  • Propos recueillis par Lys Zohin