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Commissions paritaires de l'artisanat : comment ramener les salariés de TPE aux urnes ?

Dialogue social | publié le : 27.10.2023 | Benjamin d'Alguerre

Journée nationale des CPRIA 2023

De g. à dr. : Frédéric Souillot (FO), François Hommeril (CFE-CGC), Sophie Binet (CGT), Laurent Mathieu (CFDT) et Jean-Christophe Repon (U2P).

Crédit photo DR

À un an des élections professionnelles dans les TPE, les partenaires sociaux veulent renforcer le poids des CPRIA. Et surtout mobiliser les salariés vers ce scrutin qui, suffrage après suffrage, peine de plus en plus à trouver son public.

Les 25 novembre et 9 décembre 2024, les salariés des TPE de l’artisanat seront appelés aux urnes pour élire leurs représentants au sein des 18 commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA). Il s’agira du quatrième scrutin depuis 2011, date de la première mesure de l’audience de ces instances de dialogue social qui rassemblent représentants de l’U2P (pour la partie patronale) et élus syndicaux des cinq confédérations représentatives (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC et CFTC) dans le cadre d’un dialogue social de proximité. Un dialogue social cependant non normatif puisque les commissions ne disposent pas de la compétence pour négocier et signer des accords – cette prérogative appartenant aux branches –, mais qui, en une douzaine d’années d’existence, ont tout de même permis de réaliser un certain nombre de travaux paritaires. Parmi lesquels la création du dispositif mutualisé d’œuvres sociales Proximeo qui profite à quelque 3 millions de salariés, la conduite de travaux sur la pénibilité au travail, la réalisation de livrets d’accueil des nouveaux salariés pour améliorer l’attractivité des TPE, la production de fiches RH pour les petites boîtes ne disposant pas de services de ressources humaines ou, pendant la pandémie, de supports d’information sur la santé et la sécurité au travail.

Participation en baisse constante

Problème : le scrutin aux élections professionnelles dans les TPE n’attire pas les foules. De 10,4 % de participation en 2012, le nombre de votants n’a cessé de décroître pour se fixer à 5,5 % lors des échéances de 2021. « Ce fut une catastrophe avec une élection maintenue en période de Covid et une absence presque totale de moyens », se souvient Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. Pour 2024, l’ambition est donc de ramener les salariés des très petites entreprises aux urnes. L’élaboration d’une stratégie en ce sens constituait d’ailleurs la thématique centrale de l’édition 2023 de la journée nationale des CPRIA organisée par l’U2P, le 25 octobre dernier, en présence de plusieurs numéros 1 syndicaux : Sophie Binet pour la CGT, Frédéric Souillot, secrétaire général de FO et François Hommeril, président de la CFE-CGC.

« Il est très important de maintenir un dialogue social à l’échelle des TPE. Non seulement, c’est le seul endroit où l’on discute avec des vrais patrons et pas avec des représentants d’actionnaires, mais en plus, c’est le lieu où l’on peut imaginer les conditions d’attractivité sociale et salariale des métiers de presque toutes les branches », indiquait Frédéric Souillot. Le contexte se prête pourtant peu à un dialogue territorial de qualité. La faute, selon François Hommeril, aux ordonnances travail de 2017, qui ont ramené un nombre conséquent de sujets sociaux au niveau de l’entreprise, affaiblissant les branches et les niveaux paritaires intermédiaires. « Les ordonnances ont profondément abîmé la chaîne de valeur existant entre donneurs d’ordres et sous-traitants au détriment des seconds. En conséquence de quoi, les soi-disant accords passés dans les TPE – souvent sur décision seule de l’employeur – vont systématiquement vers le moins-disant social pour complaire aux exigences des donneurs d’ordres, c’est-à-dire des grandes entreprises ! » s’est agacé François Hommeril.

Urgence à mobiliser

Dans ces conditions, le chantier à venir pour faire du scrutin dans les TPE un moment important de la démocratie sociale paraît titanesque. Si les partenaires sociaux n’excluent pas la possibilité d’un courrier commun au ministère du Travail pour sensibiliser Olivier Dussopt à cette problématique, ils savent qu’une campagne de communication, seule, ne sera pas suffisante. À la CFTC, on réclame une mobilisation de France Télévisions et de Radio France pour organiser des débats sur le dialogue social dans les TPE et mobiliser les salariés. Mais aussi davantage de moyens d’action pour les CPRIA. « Aujourd’hui, un élu syndical dans ces commissions ne dispose que de cinq heures de représentation, c’est trop peu. Il faudrait au moins doubler ce temps, comme cela existe déjà dans les commissions des professions libérales », arguait Pierre Jardon, chargé du dialogue social au sein de la centrale chrétienne. À la CFDT, on compte sur les futures négociations de branches sur le partage de la valeur dans les entreprises de moins de 50 salariés, qui doivent se tenir l’an prochain, pour amener le sujet sur la table. « Ce sera un bon moment pour valoriser les salariés des TPE », espère Luc Mathieu, secrétaire national de la confédération en charge des politiques de rémunération.

Pour les partenaires sociaux, il y a urgence à mobiliser les TPE et leurs salariés. Car les grands sujets à l’agenda social – pénibilité du travail, emploi des seniors, égalité salariale hommes-femmes, mobilité, transformation environnementale et énergétique… – les concernent en premier lieu. « Il faudra se battre pour imposer des clauses sociales et environnementales dans les appels d’offres et que l’on donne les moyens financiers aux très petites boîtes de réussir leur transition écologique », lançait Sophie Binet. À condition, évidemment, que ces dernières puissent faire entendre leur voix.

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre