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Ces syndicalistes qui sont montés au front en 2015

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 22.12.2015 | Catherine Abou El Khair, Eric Béal, Emmanuelle Souffi et Manuel Jardinaud

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Ils ont fait l'actualité syndicale cette année. Parmi d'autres. De Vivarte à la SNCF, en passant par Air France et la branche des transports, mais aussi SFR et IBM France. Portraits de six syndicalistes en action.

Quelle France syndicale en 2015 ? En cette fin d'année, Liaisons sociales magazine a souhaité l'incarner à travers six courts portraits de militants de terrain. Quatre hommes et deux femmes, tous syndicalistes d'horizons très différents qui, à leur manière, ont fait bouger les lignes de leur entreprise ou de leur secteur.

Comme souvent, les conflits occupent une place importante dans leur mandat : défense de l'emploi chez Vivarte et IBM France, opposition à la restructuration chez Air France ou encore grève pour les salaires dans le transport routier. Mais aussi syndicalisme de réforme à la SNCF et alerte sur la santé des salariés chez SFR. Un bon aperçu des actions, visibles ou non, des "élus locaux" du syndicalisme.
 

Jean-Louis Alfred 

Le cédétiste qui a sué pour Vivarte

Il n’a toujours pas décoléré, Jean-Louis Alfred ! Coordinateur CFDT du groupe Vivarte, il peste contre le silence qui entoure toujours le vaste plan social touchant quatre enseignes : André, La Halle aux vêtements, Kookaï et Défi Mode. Soit 200 magasins fermés et 1 600 postes supprimés. « Ça représente 2 500 salariés, précise le syndicaliste car 85 % des employés, ultra majoritairement des femmes, sont à temps partiel. »

Au cœur de l’été 2015, clap de fin pour les négociations des quatre plans de sauvegarde de l’emploi. Les premières boutiques ont baissé le rideau au début de l’automne. Le délégué central cédétiste de la Compagnie européenne de chaussure n’a pourtant pas ménagé sa peine.

En plein milieu d’un mois de juillet caniculaire, cet adepte de la course à pied et du squash a enfilé ses chaussures de marche. Pour relier Chateauroux à Paris, en compagnie de Vincent Pichon, délégué CFDT de La Halle. Objectif ? contester les conditions de la restructuration. « On ne l’avait pas préparé, c’était une sorte de coup de gueule », raconte Jean-Louis Alfred.

Une manière de dénoncer des indemnités supra-légales jugées ridicules et des budgets alloués aux reconversions professionnelles scandaleux. Mais aussi de pointer le dépeçage en cours « par des fonds spéculatifs » de ce fleuron de la distribution textile. « Il se dessine, demain, la même chose pour Minelli, San Marina, La Halle aux chaussures », professe-t-il.

En plus d’une énergie communicative, l’intéressé peut compter sur son expertise du droit social, affinée durant des années comme juge prud’homal, pour poursuivre la lutte. Mais sans garantie de succès.

 

Philippe Evain

Le pilote qui a tenté de faire plier Air France

Ambiance chahutée sur le tarmac en 2015. Après un référé cet été, le TGI de Bobigny a rendu sa décision - favorable -  sur le recours de la direction contre le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Enjeu ? L’application des dernières mesures du plan Transform. Une victoire in extremis pour la DRH face aux pilotes.

Elu en décembre 2014, le président du SNPL, Philippe Evain, dément incarner une ligne dure. « Je suis favorable au dialogue social, mais nous sommes face à un mur », déplorait ce commandant de bord.

Depuis l’arrivée d’Alexandre de Juniac à la tête d’Air France, les relations sont tendues, le SNPL étant accusé d’obérer l’avenir de la compagnie. « Nous n’avons pas à rougir de défendre une profession. Ailleurs, les avantages des pilotes sont plus élevés », assure le syndicaliste, âgé de 47 ans.

Adhérent dès l’école nationale d’aviation civile, puis membre du CHSCT, Philippe Evain faisait partie des opposants à l’ancienne équipe. Celle qui a signé l’accord Transavia France, au départ combattu, à l’issue d’une grève coûteuse. Autant dire que ses marges de manœuvre sont encore étroites pour sortir de la défiance…

 

Régine Delebassée

La cégétiste en guerre contre IBM France

La voilà repartie au combat. Une semaine après la signature d’un accord de GPEC, un énième plan de départs volontaires a vu le jour mi-mai chez IBM France. Le quatrième en deux ans. Le dernier s’est soldé par 422 départs. Des anciens, pour la plupart, occupant des métiers voués à disparaître avec l’essor du cloud, du big data, de la cybersécurité.

« Nous sommes en PSE permanent. Plutôt que de préparer les salariés à ces évolutions, la direction fait par tir les anciens et embauche des jeunes et des experts », dénonce Régine Delebassée, la leader CGT.

De fait, IBM France, qui cherche à réduire sa masse salariale, voit son périmètre évoluer sans cesse. Depuis 2000, 9 000 postes ont disparu. La filiale compte 7 500 salariés, trois fois moins qu’à la fin des années 1980. Des suppressions d’emplois que la cégétiste, ingénieure technico-commerciale de profession, combat inlassablement. À coups de droit d’opposition et de recours devant les tribunaux. Comme pour le PSE de 2013, annulé par la cour d’appel en 2014.

 

Patrick Blaise

Le leader de transition à la CFDT Route

C’est le plus ancien de l’équipe – et l’adjoint – qui prend la relève. À 58 ans, Patrick Blaise, conducteur d’autocar de métier, a remplacé Thierry Cordier en mai 2015 au poste de secrétaire général de l’Union fédérale Route. Ce dernier part à mi-mandat, officiellement de sa propre initiative, aux services juridiques de la CFDT Transports et Environnement…

Ce changement de tête doit permettre de panser les plaies d’une structure secouée, en 2014, par l’affaire Mory Ducros puis par l’échec du conflit salarial de branche.

« Nous avons été surpris par le radicalisme de la CFDT », confie un négociateur patronal. Après avoir bloqué les routes en décembre 2014 et janvier 2015, et de nouveau en mars avec l’intersyndicale, l’union cédétiste a finalement changé de ton.

« Nous voulons montrer notre volonté de négocier », annonçait alors le nouveau leader, originaire d’Épinal. Contraint de repenser ses modes d’action et son équipe dirigeante, le syndicat envisage même d’anticiper son congrès d’un an. Une manière d’apporter du « sang neuf » dans ses rangs.

 

Marc Baucher 

Le patron de l’Unsa Ferroviaire a le sourire

Encore une progression dans les urnes ! Depuis 2010 et son arrivée à la tête de l’Union nationale des syndicats autonomes du ferroviaire, Marc Baucher (58 ans) n’a enregistré que des améliorations de la représentativité de son syndicat réformiste. Une évolution favorable commencée avant lui.

En quinze ans, l’organisation a plus que doublé son score aux élections à la SNCF, passant de 11 % à 24 % des voix. Un développement aux dépens de la CGT, qui reste néanmoins le premier syndicat (34 %).

« La sociologie des salariés a évolué, marquée par l’augmentation du collège cadres et agents de maîtrise. Quant à notre syndicalisme non dogmatique, qui tient compte de l’évolution du contexte économique et réglementaire, il est apprécié », analyse cet ex-cédétiste, cadre administratif, passé par l’école interne des cadres RH.

Issu d’une famille engagée, Marc Baucher s’est encarté à 18 ans. « Le militantisme que je développe est imprégné d’humanisme », raconte-t-il. Une recette au goût de nombreux cheminots.

 

Sana Iffach

La syndicaliste lanceur d'alerte chez SFR

Sana Iffach est inquiète. Pour la pérennité de Numéricable-SFR mais aussi pour la santé de ses collègues. Au point d’avoir envoyé une lettre aux ministres du Travail, de l’Économie et du Numérique en décembre 2015, cosignée par son alter ego chez Orange et par le président de son organisation, le syndicat national des télécoms CFE-CGC.

La quadragénaire y critique la stratégie financière de Patrick Drahi, son patron. Ses acquisitions «tous azimut», la réduction sauvage des coûts, la distribution «aberrante» de dividendes et l’endettement «vertigineux».

Et par dessus tout, la pression exercée sur les personnels qui engendre arrêts maladies et départs volontaires. «Entre novembre 2014 et août 2015, 398 personnes ont quitté l’entreprise. Qui s’ajoutent aux 574 personnes parties avant l’arrivée du nouveau patron», calcule-t-elle. Son objectif ? Obtenir une médiation de l’Etat pour «stopper la violence sociale et ramener la direction à la raison». En attendant, Sana Iffach est en arrêt maladie. Trop de stress...

 

Auteur

  • Catherine Abou El Khair, Eric Béal, Emmanuelle Souffi et Manuel Jardinaud