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Avis de tempête sur les comités d’entreprise européens

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 27.06.2016 | Anne-Cécile Geoffroy

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La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne va poser de vraies questions aux comités d’entreprise européens et aux partenaires sociaux britanniques qui y siègent. Ces derniers pourraient, à terme, se retrouver sur le banc de touche.

Les salariés britanniques et leurs représentants syndicaux présents dans les comités d'entreprise européens (CEE) seront-ils demain considérés comme les salariés chinois ou turcs ? C’est-à-dire absents des décisions prises par leur employeur et exclus des négociations sociales ? Les conséquences de la décision des citoyens britanniques, favorables à la sortie de l’Union européenne, vont donner du fil à retordre aux partenaires sociaux européens. Car la situation est inédite.

Aujourd’hui, on dénombre 113 CEE  mis en place par des groupes britanniques, selon les chiffres de l’Institut syndical européen. Auxquels s’ajoutent les CEE des multinationales: 164 ont été créés par des groupes américains qui ont désigné leur filiale britannique pour construire un CE européen. « Avant de redéfinir les modalités de participation des élus britanniques, le premier impact de ce Brexit va être celui de la localisation du siège de ces comités d’entreprise, pronostique Yvan Ricordeau, secrétaire national en charge des questions européennes et internationales pour la CFDT. Beaucoup d’entreprises américaines avaient en effet choisi de les implanter en Grande-Bretagne. Elles vont sans doute devoir les délocaliser dans un autre État membre.»

Situation inédite

La situation est d’autant plus inédite que les employeurs et leurs partenaires sociaux n’ont en fait même pas imaginé la possibilité qu’un État membre quitte l’Europe lorsqu’ils négociaient leurs accords de création de l’instance européenne. « Seul était prévu le cas où une entité sortait du périmètre du groupe et son impact sur le droit de vote des représentants des salariés concernés », indique Christophe Teissier, spécialiste des questions européennes chez Astrée, une association qui décrypte les transformations sociales et de l’emploi.

C’est le cas chez le réassureur Scor, constitué en société européenne. « Nous n’avons pas prévu dans nos textes le démantèlement des droits de vote des élus dont l’État membre sortirait de l’Union européenne. Il me semble peu probable à ce stade qu’on décide de supprimer le droit de vote des élus britanniques, d’autant plus qu’aujourd’hui 25% des effectifs travaillent en Grande-Bretagne », pense Christophe Lefèvre, secrétaire national à l’Europe et à l’international de la CFE-CGC et délégué syndical central de l’assureur Scor.

Mais à terme, une fois le Royaume-Uni sorti de l’Union européenne, l’assureur considérera-t-il ses représentants britanniques comme les suisses ? C’est-à-dire associés aux discussions, mais privés de droit de vote. « L’impact ne sera pas immédiat et, demain, les élus britanniques ne seront pas exclus des tours de table, assure de son côté Philippe Portier, secrétaire général de la fédération CFDT de la métallurgie, membre d’InsdustriAll, la fédération syndicale européenne. Cela va dépendre du droit transitoire qui se mettra en place et des directives européennes que les Britanniques pourraient ou non choisir de garder dans leur droit », ajoute le cédétiste.

Droits sociaux revus à la baisse

Car plusieurs directives européennes ont été reprises, même si elles ne sont pas toutes mises en œuvre sur le terrain. C’est le cas pour la directive sur l’information et la consultation des travailleurs, celle concernant la procédure obligatoire d’information-consultation dans le cadre des licenciements collectifs, ou encore celles concernant la santé au travail ou les CDD. « Ce qui est dommageable avec le Brexit, c’est qu’en matière sociale, l’impact du droit communautaire est loin d’être négligeable pour les travailleurs britanniques. Et cela d’autant plus que la tendance actuelle n’est pas à la protection des salariés outre-Manche. On l’a vu récemment avec les reculs sur le droit de grève », souligne Christophe Teissier, chez Astrée.

Quoi qu'il en soit, les centrales sont sur le front. « Avec la Confédération européenne des syndicats, la CES, nous allons nous battre pour que les droits des salariés britanniques ne soient pas revus à la baisse, assure Yvan Ricordeau à la CFDT. Des droits sociaux, comme ceux liés aux congés de maternité, aux conditions de licenciement, sont aujourd’hui encadrés au niveau européen. Avec le Brexit, ces droits vont tomber. » Si les comités d’entreprise sont encore perçus par certains représentants syndicaux britanniques comme des « machins » sans intérêt direct, en revanche, « pour les élus britanniques qui s’investissent dans les CE européens, ils sont devenus un palliatif à des situations où l’unilatéralisme de l’employeur est la règle », reprend Christophe Teissier.

Tout dépendra donc beaucoup de la volonté des employeurs britanniques de poursuivre le dialogue social au niveau communautaire ou pas. Et ces questions se régleront au cas par cas. L’occasion peut-être pour les groupes les plus ouverts de booster des instances paritaires supra-européennes comme les comités mondiaux.

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy