Renforcés par leurs démonstrations de force contre la réforme des retraites, les syndicats entendent bien faire monter les enchères lors de la concertation sur le pacte de la vie au travail. Le patronat redoute de servir de paratonnerre aux concessions de l’exécutif.
Même si le feu couve encore sous la cendre, Matignon a choisi la paix des braves. Ce mardi et demain, Élisabeth Borne reçoit à Matignon les leaders des cinq confédérations syndicales représentatives en vue de tracer une nouvelle feuille de route sociale. Si les syndicats sont toujours vent debout contre la réforme des retraites – une nouvelle manifestation est prévue à leur appel le 6 juin prochain –, l’avenir de la réforme est désormais suspendu à l’examen par l’Assemblée de la proposition du groupe Liot visant un retour de l’âge légal de départ à 62 ans.
En attendant, c’est sous le signe de l’apaisement que la Première ministre a choisi d’engager cette nouvelle concertation sur le pacte de la vie au travail, pour laquelle Matignon n’a pas fixé d’agenda précis afin de laisser des marges de manœuvre aux partenaires sociaux. « Le combat contre la réforme des retraites n’est pas terminé, mais même si on le gagne, il faut aussi aborder les autres sujets », résume Cyril Chabanier, de la CFTC. Et les dossiers en attente sont nombreux : emploi des seniors, prévention de la lutte contre la pénibilité, rémunérations, sens du travail, partage de la valeur, compte épargne-temps universel, RSA, réforme des lycées pro, conditionnalité des aides aux entreprises, santé au travail ou encore logement figurent sur la wish-list des syndicats. Lesquels, ragaillardis par une intersyndicale qui ne montre pas de signes de faiblesse depuis quatre mois et treize mobilisations suivies contre la réforme des retraites, n’hésiteront pas à demander une remise à plat des ordonnances travail de 2017 et, a minima, le retour des CHSCT et le renforcement des représentants de proximité pour remplacer les anciens délégués du personnel passés à l’as.
C’est d’ailleurs là où le bât blesse aux yeux du patronat qui, lui, sera reçu la semaine prochaine. Au Medef, certains redoutent que le Gouvernement ne soit tenté d’acheter la paix sociale avec les syndicats, en faisant payer la facture par les entreprises par une remise en question de la politique de l’offre menée depuis 2017. « Les entreprises ne sont pas les bénéficiaires de la réforme des retraites. Partant de là, il n’y a pas de raison qu’elles deviennent les variables d’ajustement d’une réforme mal vécue par l’opinion publique », s’agace Patrick Martin, président délégué de l’organisation patronale. De son côté, la CPME entend bien ferrailler contre « tout ce qui sort les salariés de l’entreprise et du temps de travail », à commencer par le télétravail ou l’extension du congé parental.