La première mouture du rapport sur la restructuration des branches professionnelles rédigé par Pierre Ramain, maître de requêtes au Conseil d’État, a lancé les grandes manœuvres. Sa proposition de créer des super branches pour la banque et l'assurance et d'accélérer les regroupements dans l'industrie, suscite déjà des interrogations majeures. Le SNB CFE-CGC s'interroge sur la cohérence d'une opération qui regrouperait dans une seule convention collective les établissements de crédit, les mutualistes et les banques spécialisées, dans des délais particulièrement serrés puisque la fusion devrait être bouclée d'ici un an, sous la menace que l'État reprenne la main. Rappelons que le rapport Ramain, très attendu depuis l’été 2019, propose de passer de 200 à 80 branches professionnelles, dont une douzaine dans l'industrie. Si parvenir à 50 « serait évidemment possible » selon cette version du futur rapport définitif, cet objectif a été écarté au motif qu’il « impose des choix difficiles, serait très contesté et perdrait plus en cohérence qu’il ne gagnerait en simplicité ». Même si les chiffres semblent démontrer un lien entre le nombre de salariés couverts par une branche et la capacité des partenaires sociaux à conclure des accords, Pierre Ramain n’a pas souhaité faire un couperet du seuil des 5 000 salariés, préférant miser sur des rapprochements basés sur la proximité des métiers et des activités.
Pour aboutir à ce nouveau paysage des branches, encore faut-il dépasser certaines limites imposées par le cadre législatif actuel. Pierre Ramain estime nécessaire une évolution des règles en vigueur. Son rapport propose donc de redéfinir plus précisément le critère de cohérence du champ d’application des conventions collectives. Une proposition sans doute liée la récente décision du Conseil constitutionnel rendue le 29 novembre 2019, qui a censuré partiellement la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, estimant que les critères permettant d’apprécier cette cohérence n’avaient pas été fixés. Ce qui laissait une « latitude excessive » au ministère du Travail sur le choix des motifs pouvant justifier une fusion de branche.
Le rapport Ramain suggère aussi d’accorder plus de liberté aux partenaires sociaux en ne désignant plus de branche de rattachement si aucun accord n’était conclu, ce qui est encore le cas lorsque la fusion est lancée à l’initiative du ministère du Travail, ou en laissant la possibilité d’aller au-delà du délai de cinq ans pour aboutir à une convention collective commune. Conscient des difficultés déjà soulevées dans la première phase de la restructuration qui a vu le nombre de branches passer de 700 à 200, le rapport préconise aussi de laisser la possibilité, dans les grandes branches professionnelles, d’établir un système à deux niveaux. Il serait composé d’un socle de garanties applicables à toute la branche, auquel s’ajouterait un ensemble de règles spécifiques applicables à certaines entreprises ou catégories de salariés. Selon Pierre Ramain, cette mesure permettrait de prendre en compte les spécificités des activités entrant dans un champ conventionnel plus étendu qu’actuellement.