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Discrimination : La bataille de la communication

Entreprise & Carrières, du 02 au 08/09/2008 | Accord | publié le : 02.09.2008 |

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Les révélations d’affaires de discrimination en entreprise se sont multipliées ces derniers mois. Alors que la Halde a récemment mis sur la place publique les noms d’entreprises aux pratiques discriminatoires, les directions travaillent plus que jamais leur communication.

« Aucune entreprise n’est à l’abri d’une affaire de discrimination. » Directrice générale et fondatrice du cabinet de conseil RH Diversity Conseil, Anne Saüt peut être soupçonnée d’être juge et partie, mais l’actualité lui donne raison. Le 10 juin dernier, Accor, le Crédit agricole et Mercuri Urval ont été accusés par la Halde, sur la foi d’un testing commandé par la haute autorité, de se livrer à des pratiques discriminatoires à l’embauche.
En raison de l’âge des candidats dans le cas du Crédit agricole et de Mercuri Urval, en raison de leur origine dans celui d’Accor. L’affaire a suscité un certain malaise dans la communauté RH. Aucune de ces trois entreprises ne s’était, en effet, exonérée de mettre en place des outils pour lutter contre les discriminations. « Si ces trois-là sont mises à l’index, alors quelle entreprise peut s’estimer à l’abri d’une telle accusation ? », se sont demandé de nombreux observateurs. Le Crédit agricole et Accor, dont la DRH, Kathy Kopp, siégeait encore récemment à la Halde, sont, notamment, signataires de la charte de la diversité. « Cela fait trois ans que nous travaillons avec la Halde. Nous avons mis en place des formations. Nous montons un dossier pour être normalisé par l’Afnor », rappelle, de son côté, Hubert L’Hoste, directeur général de Mercuri Urval, qui estime avoir fait ce qu’il a pu.

 

Naming and shaming

 

« La Halde a, désormais, pour pratique de médiatiser les cas de discrimination afin de contraindre les employeurs à être plus vigilants », relève Christine Artus-Jégou, local partner au cabinet d’avocats Baker & McKenzie. Le recours au naming and shaming, consistant à divulguer les noms des entreprises aux mauvaises pratiques, marque, en effet, un tournant dans la politique de lutte contre les discriminations de la haute autorité. Les syndicats et les associations n’hésitant pas, non plus, à divulguer des noms, c’est un nouveau front qui s’ouvre pour les entreprises. Dans ce contexte, la maîtrise de la communication devient, pour ces dernières, aussi fondamentale que celle du droit. Chacune a sa méthode. Le Crédit agricole, Mercuri Urval et Accor ont riposté en mettant en doute la fiabilité du testing réalisé pour le compte de la haute autorité. Avec un certain succès (lire p. 26).

 

Modèle social historique

 

En outre, le Crédit agricole invoque un argument de fond qui reflète le trouble que suscite cet épisode dans le monde des RH. La banque souligne que les résultats du testing de la Halde sont le reflet de son modèle social historique, qui consiste à embaucher des jeunes sur les postes d’entrée de carrière pour, ensuite, les faire progresser, phénomène accentué par de nombreux départs à la retraite.
En considérant que la banque recourt à des pratiques discriminatoires, c’est donc le cœur même de sa politique RH que la Halde remet en cause. A quoi Bernard Philippe, directeur général adjoint en charge des RH de la Fédération nationale du Crédit agricole, répond en substance que la banque avait commencé à se réformer avant le testing, mais qu’il lui faut encore un peu de temps.

 

Légitimité

 

Cependant, « comment moduler une pyramide des âges ? », s’interroge Hubert L’Hoste, qui estime que « ce testing nie toute GRH ». Pour Christine Artus-Jégou, les politiques RH des entreprises trouvent, au contraire, leur légitimité dans la lutte contre les discriminations, ce qui suppose qu’elles cessent de se fonder sur l’âge pour ne prendre en compte que l’expérience (lire son interview p. 31).

 

Mode de communication

 

Avant ce testing, L’Oréal et Adecco avaient, elles aussi, fait face à la révélation de pratiques discriminatoires. Condamnées dans une même affaire, les deux entreprises ont communiqué de manière diamétralement opposée. Le groupe de cosmétiques a monté une opération d’envergure pour faire connaître ses actions en faveur de la diversité, tandis que l’entreprise de travail temporaire a délaissé la communication grand public – contreproductive dans son cas – pour se concentrer sur l’information en direction de ses salariés (lire p. 28). Si Michael Page a mis à pied le consultant coupable d’avoir écrit des commentaires racistes et sexistes (lire p. 29), les directions prennent rarement des sanctions, et privilégient la pédagogie et la communication. Exercice de transparence De son côté, Casino préfère prendre les devants en révélant lui-même ses mauvaises pratiques. Il y a quelques semaines, le groupe de grande distribution a fait savoir que, chez lui, un candidat extra-européen avait 38 % de chances en moins qu’un candidat hexagonal d’être recruté à un poste d’employé (lire p. 30). Cet exercice inédit de transparence lui a valu plus d’éloges que ses mauvaises pratiques n’ont suscité de critiques. Péché avoué est à moitié pardonné.

 

Emmanuel Franck