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Thibault Lanxade: «Il faut rendre la participation obligatoire dans toutes les entreprises de 11 à 50 salariés»

Rémunérations | publié le : 02.02.2022 | Benjamin d’Alguerre

Pour la troisième fois depuis 2019, le Gouvernement a nommé trois ambassadeurs de l’épargne salariale. Thibault Lanxade, dirigeant de Luminess (ex-groupe Jouve), ancien vice-président du Medef, et François Perret, président du think-tank Pacte PME rempilent. Carole Couvert cède sa place à Agnès Bricard, présidente d’honneur de l’ordre des experts-comptables. Rencontre avec Thibault Lanxade.

Dans quelle dynamique s’inscrit cette troisième mission d’ambassade sur l’épargne salariale ?

Thibault Lanxade : Elle s’inscrit dans la même dynamique qui animait les deux précédentes, à savoir celle de convaincre les chefs d’entreprise de mieux associer leurs salariés aux bénéfices. Si ce n’est que, cette fois, il faut accélérer le travail de sensibilisation des branches professionnelles afin qu’elles élaborent des accords types sur l’intéressement à destination des PME de moins de 50 salariés. Dès les prochains jours, nous allons les rencontrer pour les convaincre d’enclencher ce travail.

Justement, cette troisième mission qui débute à moins de soixante-dix jours de l’élection présidentielle n’arrive-t-elle pas trop tard dans le calendrier ?

T.L. : Non. À titre personnel, je promeus les dispositifs de partage de la valeur dans l’entreprise au-delà de tout positionnement politique ou partisan. Je veux être engagé dans une démarche œcuménique, loin de toute démarche électoraliste. Cependant, il est entendu qu’à compter du 15 mars, la mission se mettra en sommeil jusqu’à l’élection présidentielle.

Après trois ans de promotion de l’épargne salariale auprès des entreprises, pensez-vous que le regard des employeurs sur le partage de la valeur a changé ?

T.L. : Oui. La dynamique engagée en 2019 a certes été enrayée par la crise des "gilets jaunes" et la pandémie, mais les résultats sont là. Le nombre de dispositifs d’épargne salariale mis en place dans les TPE et PME a nettement augmenté. En 2020, la hausse devrait être d’environ 5% par rapport à l’année précédente, même si nous attendons les chiffres de la Dares pour connaître les résultats précis. L’an dernier, les employeurs ont redistribué environ 9 milliards d’euros à leurs salariés au titre de l’intéressement et 8 milliards pour la participation.

Mais dans le même temps, les entreprises ont distribué 66 milliards de dividendes à leurs actionnaires…

T.L. : C’est vrai. 66 milliards pour les actionnaires contre 21 pour les salariés (si l’on compte, en plus les 9 et 8 milliards cités précédemment redistribués au titre de l’intéressement et de la participation, environ 3 milliards au titre des différents dispositifs d’abondements type Perco). Dans mon manifeste Le Dividende salarié*, je propose de rendre la participation obligatoire dans toutes les entreprises de 11 à 50 salariés et le maintien de la prime extraordinaire de pouvoir d’achat (Pepa) dans les plus petites, mais aussi de conditionner le versement de dividendes au profit des actionnaires à la distribution d’un « dividende salarié ». Ce dispositif garantirait une répartition plus juste de la valeur ajoutée de l’entreprise et entraînerait une refonte de la place de l’entreprise dans la société. Cette proposition pourrait permettre d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés en leur versant un montant s’élevant en moyenne à un treizième ou quatorzième mois.

Comment vos anciens collègues du Medef accueillent-ils cette proposition ?

T.L. : Le fait de rendre obligatoires les mécanismes de participation pour les entreprises de 11 à 50 salariés fait débat au sein du Medef. Le maintien de la prime Pepa pour les moins de 11 fait beaucoup davantage l’unanimité, à condition toutefois qu’elle reste à la main du chef d’entreprise.

L’ancienne présidente de la CFE-CGC, Carole Couvert, qui avait participé aux deux premières missions, a été remplacée par Agnès Bricard qui vient, elle aussi, du monde patronal. Ce changement ne risque-t-il pas de couper votre mission de la partie « salarié » ?

T.L. : Agnès Bricard dispose d’une excellente connaissance des entreprises et de l’écosystème entrepreneurial au travers de ses responsabilités au sein de l’ordre des experts-comptables. Son profil est par ailleurs complémentaire à celui de François Perret. Elle pourra crédibiliser notre appel à développer le partage de la valeur auprès des chefs d’entreprise.

Selon Bruno Le Maire, la France comptait près d’1,5 million de salariés couverts par un dispositif d’épargne en 2017. L’objectif du doublement de ce nombre d’ici la fin du quinquennat pourra-t-il être atteint compte tenu de la crise pandémique de ces deux dernières années ?

T.L. : Il est évident que le contexte a été très particulier. En période de crise Covid, l’attention des chefs d’entreprise a été beaucoup plus focalisée sur le maintien de l’activité que sur le partage de la valeur. J’ignore si, compte tenu de cela, l’objectif sera atteint, mais je constate tout de même une reprise de la croissance des mécanismes de participation et d’intéressement en fin de crise.

Crédit photo: Bruno Lévy

 

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre