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Pouvoir d’achat : ni les syndicats ni le patronat n'y trouvent leur compte

Rémunérations | publié le : 13.07.2022 | Benjamin d'Alguerre et Gilmar Sequeira Martins

Stack of euros in a wallet - purchasing power - male hands close

La fâcherie contre le projet de loi "pouvoir d’achat" touche aussi bien les employeurs que les représentants des salariés. Si les syndicats font des augmentations de salaires l’alpha et l’omega de la hausse du pouvoir d’achat plutôt que les mesures ponctuelles prévues par le texte, les patrons sont insatisfaits du maintien de la fiscalité sur certaines primes et de l’obligation faite aux branches de négocier sur les rémunérations minimales.

Sur le principe, tout le monde est d’accord : le pouvoir doit augmenter. Les modalités pour redonner du volume au portefeuille des Français, en revanche, divisent. Les principales mesures contenues dans le projet de loi "pouvoir d’achat" que la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a examiné ce début de semaine – à savoir une série de "chèques" (transports, énergie, etc.) destinés à permettre aux ménages d’absorber en partie l’inflation galopante associée à la mise en place de primes et de mécanismes d’intéressement dans les entreprises et à une incitation forte aux branches professionnelles à renégocier leurs grilles de rémunération afin qu’aucun salaire de départ ne soit inférieur au Smic – sont loin de faire l’unanimité chez les acteurs sociaux.

"Le salaire doit demeurer la base"

Du côté syndical, on ne démord pas des grands principes affichés dès l’annonce des premières mesures du projet de loi défendu par Élisabeth Borne : la hausse du pouvoir d’achat doit avant tout passer par des revalorisations salariales plutôt que par une politique ponctuelle de chèques thématiques et autres aides majoritairement financée sur le budget de l’État. "Le salaire doit demeurer la base d’un partage des richesses rééquilibré en faveur des salariés. La prise en charge de mesures de pouvoir d’achat est aussi de la responsabilité des employeurs privés comme publics", expliquent, le 13 juillet dans une communication commune, les principales organisations syndicales : CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU, Solidaires, rejointes par plusieurs organisations étudiantes et lycéennes comme la Fage, l’Unef, la Fidl, La Voix lycéenne et le Mouvement national lycéen.

Quant aux primes exceptionnelles et mécanismes d’intéressement prévus dans le projet de loi (notamment la possibilité de tripler jusqu’à 6 000 euros annuels la prime Macron), ils ne recueillent qu’une appréciation mitigée du fait de leur caractère ponctuel et nécessairement associé aux résultats de l’entreprise. "Les primes et l'intéressement sont exonérés de cotisations et ne représentent pas une source de revenus pérenne pour les salariés", rappelle Cyril Chabanier, président de la CFTC alors que son homologue de la CGT, Philippe Martinez, estime, lui, que cette défiscalisation aura pour conséquence de grever le budget de l’État et de diminuer le financement des services publics. Dans les rangs patronaux, c’est le maintien du forfait social de 20 % sur cette prime et le maintien d’une fiscalité sur les salaires supérieurs à 3 Smic qui est montrée du doigt, le Medef considérant que ces mesures seront de nature à faire reculer les bonnes volontés…

"Un faux procès fait aux entreprises"

Le patronat, justement, garde ses réserves sur le projet de loi. Principal sujet de fâcherie, l’obligation faite aux branches professionnelles de négocier des augmentations salariales pour faire passer les rémunérations minimales au-dessus du Smic sous peine de restructuration ou de fusion, comme l’a rappelé Olivier Dussopt aux partenaires sociaux, le 7 juillet dernier à l’occasion d’une réunion du comité de suivi des négociations salariales. Un sale coup après de premières négociations engagées dans plus de cent branches en septembre dernier à l’invitation de Jean Castex et les deux augmentations successives du Smic en 2021 et 2022. Mais aussi dans un contexte d’insécurité économique pour les entreprises ayant contracté des PGE contraintes à conserver de la trésorerie pour les rembourser dans les temps après que les demandes d’étalement leur ont été refusées. "Nous ne sommes absolument pas d’accord avec l’incitation évoquée par le ministère du Travail de fusionner ou de restructurer les branches dont les négociations ne seraient pas satisfaisantes. Il y a des règles : trois mois après une augmentation du Smic, elles doivent ouvrir des négociations et c’est ce qu’elles ont fait.  On a vu, avec la réforme de l’assurance-chômage, qu’on aboutit à rien sous la contrainte !", rappelait Éric Chevée de la CPME au sortir de Matignon la semaine dernière. Surtout, dans un contexte d’augmentation des rémunérations indépendant des décisions de l’État, "l’Insee prévoit que le SMPT (salaire moyen par tête) va augmenter de 6 % en 2022. C’est un faux procès qui est fait aux entreprises". "Les situations sont différentes selon les secteurs d’activité et leur capacité à absorber les augmentations de rémunération. Il faut faire attention à ne pas s’engager dans une spirale inflationniste. Et une question plus globale se pose : quelle sera la capacité des clients à absorber une hausse des prix ?", s’interrogeait pour sa part Pierre Burban, secrétaire général de l’U2P. Sur ce dossier, contenter tout le monde risque de s’avérer difficile pour l’exécutif…

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre et Gilmar Sequeira Martins