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Partage de la valeur : « Cette loi n'est pas révolutionnaire, mais facilitatrice » (Jean-Marc Morel, RSM)

Rémunérations | publié le : 20.11.2023 | Benjamin d'Alguerre

Partage de la valeur : « Cette loi n'est pas révolutionnaire, mais facilitatrice » (Jean-Marc Morel, RSM)

Partage de la valeur : « Cette loi n'est pas révolutionnaire, mais facilitatrice » (Jean-Marc Morel, RSM)

Crédit photo DR

Le vote solennel du projet de loi sur le partage de la valeur est programmé pour ce 22 novembre. Sera-t-il en mesure de tenir ses promesses en matière de développement du partage de la valeur dans les petites et moyennes entreprises ? Décryptage avec Jean-Marc Morel, associé et responsable du pôle social RH au sein du cabinet d’audit-conseil RSM.

Dans sa version finale, la loi sera-t-elle de nature à booster les dispositifs de partage de la valeur dans les entreprises et notamment les TPE-PME ?

Jean-Marc Morel : Oui, dans la mesure où les parlementaires ont retranscrit assez fidèlement dans la loi l’accord national des partenaires sociaux sans le vider de sa substance. J’ai tout lieu de croire que les dispositifs de la loi vont permettre aux entreprises de développer leurs politiques de partage de la valeur. De précédentes mesures comme les primes exceptionnelles de pouvoir d’achat ou la prime de partage de la valeur (PPV) l’avaient déjà permis. Au 1er janvier prochain, toutes les entreprises de 11 à 49 salariés seront tenues de développer au moins un dispositif de partage de la valeur dès lors qu’elles sont profitables, c'est-à-dire, selon la loi, qu’elles ont réalisé un bénéfice net fiscal d'au moins 1 % de leur chiffre d’affaires pendant trois exercices annuels consécutifs. Jusqu’à présent, cette obligation n’incombait qu’aux plus de 50 salariés. Par ailleurs, il est à noter que les parlementaires ont ajouté deux dispositions supplémentaires à l’ANI : primo, la PPV sera, dès le 1er janvier 2024, soumise à la CSG, à la CRDS et à l’impôt sur le revenu (IR). Deuzio, elle pourra être exemptée d’IR à condition qu’elle soit bloquée pendant cinq ans et placée sur un plan d’épargne. Ces ajouts peuvent inciter des entreprises qui ne disposaient d’aucune stratégie en matière d’épargne salariale à en développer une et ainsi contribuer à renforcer leur attractivité. Pour les TPE-PME qui peinent à recruter ou à conserver leurs salariés, c’est une évolution majeure : non seulement elles pourront développer une politique de gratification de la performance individuelle des collaborateurs grâce à la prime de partage de la valeur, mais en outre, elles pourront leur proposer des bonus sous forme de dispositifs d’épargne salariale.

Certaines organisations syndicales redoutent que les politiques de primes ne se substituent aux augmentations de salaires. Ont-elles raison d’avoir peur ?

J.-M. M. : Il est clairement indiqué par les textes légaux que la PPV ne peut pas remplacer un élément de rémunération. Booster les augmentations annuelles par une PPV me paraît légitime, mais pas les remplacer. Le risque est important, car le remplacement d’un élément de rémunération existant par une PPV lui ferait perdre ses avantages sociaux et fiscaux, et les contrôleurs Urssaf me paraissent vigilants sur ces points.

Cette loi n’arrive-t-elle pas trop tard pour influencer les NAO 2024 ?

J.-M. M. : Je ne pense pas. De toute façon, les NAO concernent de grandes structures, bien outillées sur le plan RH. Les politiques d’augmentations salariales, d’intéressement, de participation ou de primes sont très encadrées par la négociation. La loi concernera surtout les PME et TPE.

Comment les entreprises accueillent-elles cette loi ?

J.-M. M. : De ce que je constate, plutôt bien. La plupart des employeurs y voient un système intéressant de valorisation de la performance de leurs collaborateurs et donc de fidélisation. Évidemment, il existe encore quelques réfractaires qu’il faut convaincre de l’intérêt qu’ils peuvent y trouver. Ceux-là doivent comprendre qu’aujourd’hui, malgré la légère remontée du chômage et les séries de licenciements qui touchent certains secteurs spécifiques – comme l’immobilier ou le notariat – ces derniers mois, ce sont les salariés qui font le marché du travail. La gratification des salariés n’est plus une option. On voit les difficultés du secteur de la restauration à recruter faute de rémunérations suffisantes.

Les dispositions de la loi sont-elles souples à utiliser ?

J.-M. M. : Oui, d’autant qu’elle ne change pas grand-chose en matière d’intéressement, de participation ou de primes. Elle rajoute juste l’obligation pour les entreprises de 11 à 49 collaborateurs d’instaurer un dispositif de partage de la valeur si leur bénéfice le permet et, pour le reste, elle ôte juste les petits grains de sable qui pouvaient parfois paralyser le système. Ce n’est pas une loi révolutionnaire, mais facilitatrice ! Parmi ces processus simplifiés, on peut citer la possibilité offerte aux chefs d’entreprise de verser deux PPV par an au lieu d’une seule en deux fois. Cela peut sembler un détail, mais ça n’en est pas un. Prenons l’exemple d’un chef d’entreprise qui décide en début d’année de verser une prime à ses collaborateurs en deux séquences : la première en mars, la seconde en novembre, par exemple. Eh bien, cette prime étant unique, il se voit contraint de la verser à l’ensemble de ses salariés… y compris ceux qui, entretemps, auraient quitté l’entreprise. C’était un frein au développement de la PPV désormais écarté. On peut aussi saluer le projet d’exonérer de fiscalité personnelle la PPV bloquée sur un PEE. Ce qui permet aux salariés de pouvoir débloquer rapidement leur épargne en cas de coup dur ou de montée rapide de l’inflation. Idem pour la possibilité de déroger à la règle de calcul – extrêmement complexe – de la participation, qui ne peut qu’encourager les dirigeants de petites entreprises à démocratiser ce type de gratification.

Quelles sont selon vous les conditions d’application de cette loi dans les entreprises afin que les employeurs s’en emparent pleinement ?

J.-M. M. : Il me paraît impératif qu’ils communiquent dessus et sur leurs conditions d’attribution. Beaucoup de ces mécanismes de gratification individuelle sont liés aux résultats de l’entreprise et peuvent varier d’une année sur l’autre. Si vous n’expliquez pas aux salariés pourquoi les primes seront inférieures l’année Y par rapport à l’année X, vous risquez de dresser vos salariés contre vous !

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre