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Métallurgie : « La crédibilité de la nouvelle convention collective peut être entachée par les entreprises qui ne joueraient pas le jeu » (Fabrice Nicoud, CFE-CGC)

Rémunérations | publié le : 09.10.2023 | Benjamin d'Alguerre

Fabrice Nicoud, CFE-CGC : « La crédibilité de la nouvelle convention collective peut être entachée par les entreprises qui ne joueraient pas le jeu »

Fabrice Nicoud, CFE-CGC : « La crédibilité de la nouvelle convention collective peut être entachée par les entreprises qui ne joueraient pas le jeu »

Crédit photo DR

La nouvelle grille des classifications de la métallurgie doit entrer en vigueur le 1er janvier 2024. Mieux-disante socialement par rapport aux anciens textes, son application nécessitera cependant de la vigilance, selon Fabrice Nicoud, nouveau secrétaire général des métallos CFE-CGC. Car certains employeurs pourraient avoir la tentation de jouer sur ces nouvelles classifications pour impacter la masse salariale...

En amont de l’entrée en vigueur de l’ensemble de la nouvelle convention collective de la métallurgie au 1er janvier prochain, quel bilan tirer de l’application déjà effective de son volet « protection sociale » appliqué depuis janvier 2023 ?

Fabrice Nicoud : Il s’agissait de mettre en place un régime de branches en matière de prévoyance et de frais de santé pour toutes les entreprises adhérentes. Le nouveau régime prévoyait notamment l’instauration d’un socle minimal de droits sociaux pour les salariés et d'un système de mutualisation des coûts entre adhérents. À l’heure actuelle, nous n’avons aucun retour concernant d’éventuels dysfonctionnements et tous les opérateurs labellisés (Malakoff Méderic, Apicil, etc.) fonctionnent de manière satisfaisante. Le dispositif profite surtout à nos PME étant donné que les grandes entreprises, elles, disposaient déjà d’accords en matière de couverture mutuelle et de prévoyance. On peut dire aujourd’hui que l’application de ce volet s’est bien passée !

Il reste trois mois avant que le reste de la convention collective n’entre en application : pensez-vous que cela se passera aussi bien ?

F. N. : Cette deuxième partie porte un grand sujet : la révision totale de la grille des classifications et des salaires pour le 1,5 million de salariés de la branche. Au 1er janvier prochain, tous ces salariés doivent être affectés à un emploi couvert par une nouvelle classification qui s’étend de « A1 » (pour les emplois basiques) à « I18 » (correspondant à un cadre dirigeant). Pour se conformer au nouveau système, les entreprises ont dû réaliser un travail colossal de rédaction de nouvelles fiches emploi afin de déterminer la valeur de ces emplois selon la nouvelle grille et leur affecter un coefficient. Il existe dix-huit coefficients, chacun comprenant six critères répartis en dix niveaux. Il est fondamental que ce travail soit réalisé, car pour les salariés de la branche, ce coefficient représentera désormais leur identité professionnelle ! Le travail RH à abattre pour parvenir à ce résultat est considérable. Certaines grandes entreprises, comme Airbus, l’ont fait remarquablement. Les salariés sont informés, depuis avril 2023, du changement de classifications au 1er janvier prochain. D’autres, en revanche, sont moins exemplaires. Et il y a urgence à s’y mettre vu la proximité de la date d’entrée en vigueur prévue. Ne pas informer les salariés – ou mal le faire – risque de susciter du mécontentement et des crispations sociales au sein des entreprises négligentes.

Et tout cela survient à l’heure du renouvellement des CSE…

F. N. : Oui, et cela rajoute de la complexité supplémentaire, car de nouvelles majorités sortiront peut-être de ces élections professionnelles. Or, sur les quatre organisations syndicales représentatives dans la métallurgie, seules trois (CFDT, CFE-CGC et FO) ont signé l’accord donnant naissance à cette nouvelle convention collective. La CGT ne l’a pas fait, car la nouvelle grille des classifications ne correspondait pas à la philosophie qu’elle défendait.

L’installation de la nouvelle convention collective exige-t-elle une coopération des services RH et des représentants des salariés ?

F. N. : Je le pense. D’ailleurs, à la CFE-CGC, nous avons formé 2 000 de nos militants à être capables d’identifier les emplois en fonction des classifications. 400 d’entre eux ont même été certifiés CCPM (certificat de compétences professionnelles de la métallurgie) pour être capables de discuter solidement avec la fonction RH. Les employeurs qui refusent de tenir les partenaires sociaux informés de l’avancée des travaux d’application de la convention risquent de provoquer la suspicion. Ne vont-elles pas utiliser les nouvelles classifications pour impacter la masse salariale ? Même si les négociateurs de l’accord – UIMM comprise – ont bien indiqué que la nouvelle grille des salaires ne devait pas entraîner des rémunérations à la baisse, certaines entreprises pourraient être tentées de réduire la masse salariale en jouant sur les nouvelles classifications. Si le cas se présente, ce serait inacceptable, car ce n’est absolument pas l’objectif ! Dans ces conditions, les grandes entreprises de la branche ont un devoir d’exemplarité. Si certaines ne jouent pas le jeu, la crédibilité de la convention collective peut être durablement entachée et, derrière, c’est l’attractivité des métiers de la métallurgie qui risque d’en souffrir. Un RH clairvoyant se devra d’observer attentivement l’application concrète de la nouvelle grille des classifications pour voir s’il n’existe pas de décalage flagrant. S’il se retrouve, par exemple, avec moins de cadres qu’avant, cela va forcément interroger…

Les grilles de salaires constitueront l’un des sujets abordés lors de la future conférence sociale. Existe-t-il encore des rémunérations infra-Smic dans celle de la métallurgie ?

F. N. : Non. On a modifié la grille en veillant à ce que le plus petit des coefficients soit supérieur de 2 à 3 % au salaire minimum. Il existait peut-être quelques rémunérations inférieures dans certaines des 76 conventions collectives régionales, mais ce ne sera plus le cas le 1er janvier 2024.


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Auteur

  • Benjamin d'Alguerre