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« L'Assurance garantie salaires est un amortisseur social unique en Europe » (Christian Nibourel, président AGS)

Rémunérations | publié le : 11.03.2021 | Gilmar Sequeira Martins

Christian Nibourel, président du conseil d’administration de l’AGS (Assurance Garantie Salaires) commente le projet d’ordonnance qui pourrait impacter l’équilibre financier de ce dispositif permettant aux salariés d’entreprises en faillite de percevoir les salaires qui leur sont dus.

Quelles sont les conséquences du projet d’ordonnance que prépare le ministère de la Justice ?

Christian Nibourel : La conséquence du projet d’ordonnance est la rétrogradation de notre rang de priorité, même si la Chancellerie ne le voit pas ainsi. Cela signifie une perte de 200 à 300 millions en année pleine. C’est un vrai problème car l’équilibre de l’AGS repose sur une cotisation patronale de 0,15 % et la capacité de récupération des avances consenties aux salariés, soit 400 à 500 millions par an. À ceux qui disent que le projet d’ordonnance ne change rien, je réponds que si cela ne change rien pour eux, et si cela doit coûter 200 millions à l’AGS, alors autant ne rien changer. C’est un point de divergence fondamental. Ce projet d’ordonnance pose un autre problème : il prévoit aussi une modification de l’assiette des actifs sur lesquels pourrait s’appliquer le super-privilège de récupération. Nous n’avons pas pu en évaluer l’impact car nous n’avons pas de données statistiques suffisantes. Il pourrait donc y avoir un double impact sur la capacité de récupération de l’AGS sur les actifs. Le projet comporte aussi une mesure sur le décalage du paiement qui pourrait aggraver encore la situation. Il prévoit que le paiement ne serait plus effectif dès la liquidation des actifs, mais à la fin de la procédure qui peut pendre prendre trois ou quatre ans. Or l’allongement de la procédure fait augmenter les frais de justice. Si l’AGS n’a plus le même rang de priorité parmi les créanciers, cela réduira encore sa capacité de récupération.

Que se passerait-il si ce projet devenait réalité ?

C. N. : Si, pour préserver l’équilibre financier, nous étions contraints de doubler le taux de cotisation, nous pourrions être amenés à revoir le mode de financement, qui ne touche pas les salariés aujourd’hui, ou le montant des garanties, ce que nous ne souhaitons pas. La vraie question est celle des frais de justice. Soit il leur est donné la priorité, mais est-ce à l’AGS d’en faire les frais ? La question est d’abord politique avant d’être technique. Est-ce que les salariés doivent avoir la priorité sur tous les créanciers ? Tout le monde est d’accord sur ce point. Et c’est pour cela que les organisations syndicales nous soutiennent. L’AGS est un énorme amortisseur social, unique en Europe par les montants garantis et la rapidité avec laquelle ils sont versés, habituellement avant cinq jours. L’étude d’impact demandée doit éclairer les conséquences avant la décision. Que va régler cette ordonnance concernant les frais de justice et quelles conséquences financières avant et après mise en place de l’ordonnance ? Pour l’instant, seule l’AGS a fourni une étude.

Propos recueillis par Gilmar Sequeira Martins

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins