Alors que le débat sur le financement du système de retraite fait rage, l’augmentation des salaires revient sur le devant de la scène. Serait-elle de nature à résoudre deux questions corrélées : celle du pouvoir d’achat et, à travers la hausse des cotisations, celle du financement des retraites ?
C’est l’économiste Gilles Raveaud qui a allumé la mèche. Interrogé sur les projections du Conseil d’orientation des retraites (COR), il a récemment estimé « irréaliste » un retour « naturel » à l’équilibre du fait de la croissance des salaires. Son argument majeur repose sur l’absence de prise en compte des crises. Depuis le début du siècle, elles n’ont pas manqué : attentat du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center et le Pentagone, crise financière mondiale de 2008 causée par la diffusion incontrôlée des « subprimes » dans les produits titrisés notés AAA par les agences de notation, plus récemment la crise sanitaire mondiale causée par le Sars-CoV-2. En parallèle, les écosystèmes naturels sont soumis à une évolution drastique du fait du réchauffement climatique. La multiplication des sécheresses, pour ne prendre que ce facteur, engendre déjà une série de conséquences sur l’ensemble du système économique.
Nombre d’économistes ont posé un diagnostic inédit : nous sommes désormais entrés dans une nouvelle réalité dont la caractéristique majeure sera une très forte hausse des coûts. À ce premier facteur doit être ajouté un autre phénomène, tout aussi inévitable : les coûts qu’entraînera la transition écologique. Est-il possible de faire d’une pierre deux coups et de préserver le pouvoir d’achat tout en améliorant le financement du système de retraites ?
Certaines études permettent d'étayer cette hypothèse, en particulier une étude américaine de 2019 (https://www.nber.org/papers/w25434.pdf) qui a analysé les effets des augmentations du salaire minimum sur l’emploi. Les auteurs ont ainsi recensé 138 hausses mises en œuvre dans différents États fédérés entre 1979 et 2014. Les résultats font apparaître une forte augmentation du nombre d’emplois payés au nouveau salaire minimum ainsi que de ceux dont la rémunération dépasse de 5 dollars le nouveau niveau minimal. L’étude signale qu’aucun changement n’a été observé sur le reste de l’échelle des rémunérations.
Ces résultats méritent d’autant plus d’attention que le dernier rapport en date du COR, dont les projections ont été utilisées pour justifier la réforme des retraites débattue actuellement au Parlement, rappelle qu’il ne suffit pas de disposer d’hypothèses démographiques « pour apprécier l’évolution future du système de retraite ». Les auteurs rappellent que « les retraites liquidées étant censées, conformément à la législation actuelle, progresser pour l’essentiel comme les prix, le rythme d’évolution des salaires réels (salaire nominal - prix) est un élément déterminant de la situation future de notre système de retraite ». La question des salaires irrigue donc bien l’ensemble du système et va sans doute rester sur le devant de la scène en 2023.