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Dividende salarié : « Ce sera un gros sacrifice pour le patronat »

Rémunérations | publié le : 24.05.2022 | Benjamin d'Alguerre

Pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, l’exécutif a le projet de contraindre les entreprises distribuant des dividendes à leurs actionnaires à mettre en place en parallèle des primes ou des dispositifs de participation destinés aux salariés. Selon quels scénarios ? Entretien avec Fabien Lucron, du cabinet de conseil en rémunération Primeum.

Comment le gouvernement compte-t-il mettre en musique son projet de dividende salarié?

Fabien Lucron : Telle que la réforme s’annonce, il s’agira surtout d’étendre le système de participation tel qu’il existe déjà pour les entreprises de plus de 50 salariés aux plus petites. Sauf les TPE de moins de 10 collaborateurs qui seront soumises à une pérennisation de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (« prime Macron »). Le terme « dividende salarié » est d’ailleurs antinomique puisque techniquement, le dividende est la récompense de l’actionnaire qui prend un risque en investissant dans une entreprise. Tout le contraire du salariat en quelque sorte. Sur le plan économique, ça n’a pas de sens, mais en matière de communication politique, le choix de cette formulation soutient l’idée d’une association harmonieuse en capital et travail. C’est plutôt bien joué.

En soi, le dispositif de participation n’a rien de neuf. La première nouveauté, c’est qu’il va être imposé aux entreprises. Le grand principe de la future loi sera qu’une entreprise ne pourra plus verser de dividendes à ses actionnaires sans mettre en place, en échange, des mesures de participation à destination des salariés. La seconde, c’est que le mode de calcul du montant des enveloppes versées aux salariés au titre de la participation se ferait selon une formule de calcul fixe. Dans son livre « Participation et intéressement : le dividende salarié », l’ancien vice-président du Medef à l’origine de cette idée, Thibault Lanxade, prévoit d’intégrer l’entièreté de la valeur ajoutée de l’entreprise dans l’assiette de calcul pour fixer la participation et pas seulement la moitié comme c’est le cas actuellement. Ce sera un gros sacrifice pour le patronat. Le Medef est sans doute en train de négocier l’application de cette mesure en échange de la suppression du forfait social.

Les dispositifs d’intéressement et de participation dans les entreprises ont-ils augmenté depuis l’adoption de la loi Pacte ?

F.L. : Il existe en tout cas un intérêt croissant des entreprises pour ces dispositifs, notamment de l’intéressement. Cela a toujours constitué pour elle un moyen d’augmenter le package des rémunérations à coût moins élevé puisqu’exempté partiellement de cotisations sociales via un forfait.

Ce partage de la valeur a-t-il pris dans les PME ?

F. L. : Non. Et c’est d’ailleurs pour cela que le gouvernement veut conditionner le versement de dividendes aux actionnaires à la mise en place d’un système de participation. Si les patrons de PME n’y sont pas contraints, ils ne le feront pas. Je suis d’ailleurs assez étonné du silence de la CPME sur cette mesure. J’imagine qu’au vu de la conjoncture et des réductions de pouvoir d’achat, ils ne souhaitent pas s’y opposer frontalement, mais ils ne l’accepteront sans doute qu’à condition de l’exonérer du forfait-charge.

Le dividende salarié n’est-il pas pour les employeurs une alternative moins coûteuse à l’augmentation des salaires ?

F. L. : Inévitablement. Je ne veux pas dire que les dispositifs d’intéressement et de participation finiront par remplacer les augmentations salariales, mais on connaîtra sans doute à l’avenir des panachages entre participation, intéressement et augmentation des salaires pour faire grimper les niveaux de rémunération des salariés. Cependant, il existe des publics, notamment les moins rémunérés, pour lesquels cela ne conviendra pas. Le dividende salarié survient une fois par an alors que certains ont surtout besoin de terminer le mois ! Pour un public cadre, ce genre de solutions mixant tous les dispositifs a du sens. Pour les bas-salaires, les augmentations salariales restent la priorité.

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre