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Des NAO 2024 plus chiches que l’an dernier

Rémunérations | publié le : 23.10.2023 | Benjamin d'Alguerre

Des NAO 2024 plus chiches que l’an dernier

Des NAO 2024 plus chiches que l’an dernier.

Crédit photo Prostock-studio/Adobe stock

Les NAO 2024 se préparent dans un contexte toujours marqué par une forte inflation. Toutefois, même s’ils envisagent de débloquer des enveloppes d’augmentation d’environ 4 %, les employeurs restent coincés par les hausses des prix de l’énergie, le ralentissement de la productivité des entreprises et les incertitudes quant aux futures variations de l’inflation.

C’était l’année dernière, presque à la même période. Privée d’essence pour cause de blocage des raffineries TotalEnergies, une partie de la France se retrouvait à l’arrêt. Chauffée à blanc par des augmentations salariales jugées insuffisantes au vu des profits records affichés par le groupe, la CGT Énergie avait mobilisé ses troupes pour imposer un embargo aux livraisons de carburants dans plusieurs régions, notamment dans les Hauts-de-France. Malgré un accord salarial initial paraphé par la CFDT et FO et sous la pression de Bercy, la direction avait dû céder aux « ultras ». Et sortir le carnet de chèque pour concéder des augmentations générales de 7 %, sans compter les différents bonus et autres mesures individuelles. Soit plus du double des augmentations prévues à l’origine par le groupe pétrolier.

L’initiative ne fut pas restreinte au seul secteur de l’énergie. Galvanisés par une inflation qui tutoyait alors les 6 %, les syndicats se sont mobilisés pour avancer le calendrier des négociations annuelles obligatoires (NAO), exiger que les augmentations rattrapent les deux précédentes années de vaches maigres (pour cause de conséquences pandémiques, les coups de pouce aux rémunérations en 2021 et 2022 avaient rarement dépassé les 2 ou 2,5 %) et que les accords passés comprennent des clauses de revoyure afin de réviser à la hausse les rémunérations en cas de crise inflationniste. La fin de l’année 2023 s’était révélée agitée sur le plan social avec des mobilisations recensées chez Nestlé, Evian, Decathlon, Leroy-Merlin, GRDF, Stellantis, Renault, Lactalis ou Coca-Cola France. Sans compter nombre de PME, elles aussi touchées par les revendications salariales en faveur du pouvoir d’achat. Au final, l’effet rattrapage a bien eu lieu : avec des augmentations générales médianes s’échelonnant entre + 4,7 et + 4,9 %, voire dépassant parfois les 5 %, 2023 a constitué une année record pour les rémunérations, de nombreux employeurs ayant choisi la voie du « package » mêlant augmentations de salaires, primes, intéressement, participation et autres mesures en faveur du pouvoir d’achat pour gratifier leurs salariés.

Climat social plus apaisé

Les négociations qui commencent à s’ouvrir en cette fin d’année 2023 le font dans un climat social général – pour l’instant – plus apaisé que l’an passé, mais où persiste une forte inflation (5 %) qui devrait, selon les pronostics de la Banque de France, durer encore une ou deux années. Mais dans ce contexte également marqué par l’augmentation des coûts de l’énergie et par une baisse de la productivité générale de 2 %, les employeurs s’apprêtent à se montrer moins généreux qu’en 2022. Selon l’Observatoire de la rémunération LHH, l’enveloppe médiane des augmentations devrait tourner autour des 3,5 %. Exceptions faites de certains secteurs, comme l’industrie des produits de biens et d’équipements où elle devrait approcher les 3,75 % et celui de l’assurance-mutualité où elle se fixerait à 3,6 %. La faute, notamment, aux difficultés que rencontrent les entreprises de ces branches à recruter, fidéliser et conserver les talents dans un contexte de forte bougeotte professionnelle des salariés en période post-Covid. « La volatilité de l’emploi depuis la fin de la crise sanitaire oblige les employeurs à resserrer les rangs », confie Delphine Landeroin, directrice de projets Performance sociale, rémunération et classification chez LHH. Ailleurs, ce sont les difficultés de recrutement et la rareté des compétences techniques présentes sur le marché de l’emploi associées à la persistance de bas salaires qui contraignent les entreprises à mettre la main à la poche. C’est le cas dans la logistique, mais aussi dans certaines branches du tertiaire non financier, notamment le commerce.

Pour autant, si le contexte social, porté par les bons chiffres du chômage (7,1 %), s’annonce plus calme que l’an passé – la réforme des retraites alors en préparation n’avait pas été pour rien dans l’exacerbation des tensions – les employeurs demeurent dans l’expectative et attendent l’ouverture effective des NAO pour dévoiler complètement leur jeu. « Elles attendent les prévisions d’inflation pour 2024 et anticipent une moindre croissance », explique Cyrille Bellanger, directeur du conseil en rémunération chez Mercer France. À l’en croire, l’enveloppe dédiée aux augmentations frôlait, fin septembre, les 4 %. Mais des surprises ne sont pas à exclure : « On sent encore beaucoup d’indécisions. » Et là où les négociations ont déjà commencé, certains esprits s’échauffent. Comme chez Accenture, où 90 % des effectifs ne devraient rien toucher en 2024 malgré des résultats mondiaux en croissance de 4 % cette année. Si la direction se replie derrière l’argument d’une réduction de la marge opérationnelle pour justifier ce gel des hausses de salaires, les employés, de leur côté, ont décidé de répondre par des mouvements de grève. D’autant que les bonus des hauts cadres, eux, s’annoncent cossus, à en croire les représentants syndicaux…

Grèves préventives

Et le souvenir des luttes victorieuses de la fin 2022 est encore dans les mémoires : chez BNP Paribas, la CFDT et la CFE-CGC ont appelé les salariés à se joindre à la grève du 13 octobre pour montrer les muscles face à une direction qui propose des augmentations insuffisantes. Chez Framatome, c’est la CGT qui vient de consulter les employés sur la pertinence d’organiser des journées de protestation contre le refus de l’employeur de revaloriser la nouvelle grille des salaires du groupe l’an prochain. Chez le fabricant de seringues Becton-Dickinson, en Isère, c’est par la voie de la grève que les salariés ont obtenu des augmentations de 5 % lors des NAO que la direction avait choisi d’ouvrir en avance, l’été dernier. « La grève, qui était le mode de protestation de dernier recours, est devenue un mode de négociation préventif, comme en Allemagne », explique aujourd’hui un élu syndical du secteur bancaire.

Pour autant, dans certains secteurs, c’est l’apaisement qui prime. Avec un prévisionnel d’augmentations de 4,2 %, les transports routiers de marchandises s’engagent sur une bonne base, malgré les demandes des syndicats de porter cette hausse à 5 % et de revoir les grilles de salaires. Quant aux énergéticiens, ils semblent avoir été échaudés par l’exemple passé de TotalEnergies. Selon les estimations de Mercer France, les augmentations pourraient se situer dans une fourchette de 4,3 à 4,5 %...

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre