logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Conférence sociale : pas de mesures chocs, mais quelques avancées

Rémunérations | publié le : 16.10.2023 | Benjamin d'Alguerre

Conférence sociale : pas de mesures chocs, mais quelques avancées

Conférence sociale : pas de mesures chocs, mais quelques avancées.

Crédit photo DR

Un Haut conseil, un comité d’experts et une réforme annoncée de l’index de l’égalité salariale. Si la conférence sociale sur les bas salaires ne s’est pas traduite par des coups de pouce immédiats au pouvoir d’achat, elle a ouvert la porte à une série de concertations et de négociations sur la révision des grilles de classification, les trappes à bas salaires ou la persistance des inégalités en matière de rémunérations.

En inaugurant la conférence sociale sur les bas salaires, lundi 16 septembre, Élisabeth Borne promettait « d’ouvrir une nouvelle étape de notre démocratie sociale ». Mais ceux qui s’attendaient à des mesures immédiates en faveur du pouvoir d’achat en auront été pour leur frais. Davantage qu’une batterie de solutions, la Première ministre aura conclu cette journée d’échanges entre ministres, économistes, experts de l’emploi et partenaires sociaux par l’annonce d’une feuille de route sociale pour la séquence 2023-2024. Son ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, avait de toute façon, dès la mi-journée, douché les – maigres – espoirs des organisations syndicales de voir ce grand rendez-vous au CESE se terminer par une indexation des salaires sur l’inflation, un coup de pouce au Smic ou des sanctions pour les branches peu pressées de négocier sur les minimas salariaux. « Nous n’avons plus de marges de manœuvre pour la dépense », a-t-il annoncé. Ambiance.

Les branches réfractaires dans le viseur du futur Haut conseil aux rémunérations

Pour autant, la locataire de Matignon a posé quelques jalons pour des évolutions futures du modèle social français. À commencer par la création d’un Haut conseil des rémunérations. Cette nouvelle instance, qui devrait a priori – rien n’est confirmé à ce stade – remplacer l’actuel comité d’experts sur le Smic, aura la charge de « réfléchir sur la productivité, la création de valeur, les salaires, la révision des classifications et le tassement des grilles ». S’il appartient au ministère du Travail d’engager, d’ici décembre, une concertation avec les partenaires sociaux afin d’en déterminer les contours et la composition, on sait d’ores et déjà que ce conseil fera office d’observatoire des politiques de branches en matière de révision des grilles salariales. Cinquante-six d’entre elles proposent encore des minimas inférieurs au salaire minimum et dix n’ont même engagé aucun processus de revalorisation depuis dix ou vingt ans.

Pour ces dernières, dont la liste exacte sera publiée « ces prochaines semaines », la sanction pourrait bien tomber d’ici la fin de l’année et prendre la forme d’une fusion forcée avec d’autres branches plus actives. « Pour ces dix branches chroniquement déficientes, le calendrier était dans l’air, nous ne sommes pas surpris », commente Patrick Martin, président du Medef. Première à subir le coup de règle sur les doigts : celle des casinos, qui devrait rejoindre sous contrainte les hôtels-cafés-restaurants dans le cadre d’une procédure pilotée par la DGT. Les autres retardataires disposeront d’un petit sursis et auront jusqu’au 1er juin pour revoir leurs grilles à la hausse. Faute de quoi, elles pourraient faire l’objet, par le biais d’un projet de loi, d’un nouveau mode de calcul des exonérations de charges défini à partir de leurs minimas salariaux et non plus du Smic… Ce n’est pas l’application stricto sensu d’une conditionnalité des exonérations de charges, comme l’avaient demandée les syndicats de salariés, « mais au moins, une porte s’entrouvre », note Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT. Son homologue de la CFTC, Cyril Chabanier, tire en revanche la sonnette d’alarme : « Cette initiative risque d’officialiser quelque chose d’illégal. Si l’on sanctionne les branches en calculant les exonérations à partir de leurs minimas, cela signifie que l’on accepte qu’il y ait des rémunérations inférieures au Smic ! »

Pour autant, le Haut conseil n’aura pas une vocation purement punitive. Selon la Première ministre, son rôle sera aussi d’accompagner les branches dans la reconnaissance des qualifications des salariés afin de permettre « que les évolutions de compétences s’accompagnent d’une évolution des salaires ». Notamment pour les travailleurs qualifiés de « deuxième ligne » durant la crise Covid. Des professions plus souvent que les autres touchées par les bas salaires, le temps partiel subi et les contrats courts, sur lesquels les partenaires sociaux sont invités à plancher dans le cadre d’une négociation dont la date n’est pas encore spécifiée, mais qui devrait vraisemblablement s’ouvrir à l’issue du cycle de négociations déjà programmé dans le cadre de l’agenda social fixé avec le Gouvernement sur l’emploi des seniors, le compte épargne-temps universel ou la prévention contre l’usure professionnelle.

La prime d'activité réinterrogée

Deuxième instance qui devrait voir le jour à l’issue de la conférence sociale, un « comité d’experts » qui, pour sa part, sera amené à phosphorer sur les liens entre salaires, exonérations de charges et prime d’activité. Ce dernier dispositif, instauré en 2016 pour offrir un complément de rémunération aux bas salaires et encourager le développement de l’emploi, est régulièrement critiqué aussi bien par le patronat que les syndicats pour ses effets pervers, particulièrement de constituer « une trappe à bas salaires ». Ce futur comité devrait comprendre experts, partenaires sociaux et « représentants des forces politiques ». Son rapport est attendu « dans les six mois ».

L'index sur l'égalité salariale à réformer

Enfin, la conférence sociale s’est achevée sur la promesse d’une révision de l’index de l’égalité salariale hommes-femmes. Instauré en 2019 par la ministre du Travail Muriel Pénicaud, cet outil a permis une amélioration de l’équité des rémunérations, mais n’a pas donné entièrement satisfaction. « Certaines entreprises agissent afin d’obtenir une bonne note pour échapper aux sanctions », déplore Élisabeth Borne. Pressé par l’application à venir de la directive européenne 2023/970 du 10 mai 2023 sur la transparence salariale qui doit se voir transposée en droit français en 2026, le Gouvernement a décidé de prendre les devants en ouvrant dans les dix-huit prochains mois, une concertation visant à améliorer le fonctionnement de l’index. Parmi les mesures mélioratives d’ores et déjà évoquées, son extension aux entreprises de moins de cinquante salariés (jusqu’à présent non concernées) ou une révision du « seuil de tolérance » de 5 % susceptible « de cacher les inégalités les plus fortes ». Cet effort en direction de l’égalité salariale devrait s’accompagner d’une réforme du congé parental pour permettre aux parents de le partager et, ainsi, réduire les périodes d’absence en entreprise, préjudiciables aux carrières féminines. Là encore, la voie de la concertation devrait être privilégiée.

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre