Le Gouvernement a eu beau promettre une retranscription « loyale » de l’accord sur le partage de la valeur dans son projet de loi, que le conseil des ministres examinera dans une quinzaine de jours, les syndicats reprochent les imprécisions et les contre-interprétations du texte.
La retranscription est loyale… mais pas si fidèle. La transposition sous forme de projet de loi de l’ANI sur le partage de la valeur conclu par les partenaires sociaux (moins la CGT) le 10 février dernier fait grincer quelques dents côté syndical. Et alors que les représentants des employeurs et des salariés réunis au sein de la CNNCEFP1 doivent, le 12 mai, donner leur avis sur le texte, les quatre syndicats signataires (CFDT, CFTC, CFE-CGC et FO) ont adressé, en fin de semaine dernière, un courrier au ministère du Travail pour lui faire part de leur crainte quant aux infidélités à l’esprit de l’accord que contient le projet de loi.
« Il se trouve que le texte de l’ANI n’est pas toujours extrêmement clair et porte quelques ambiguïtés. C’est dans ces interstices que peuvent se glisser quelques interprétations avec lesquelles nous ne sommes pas forcément d’accord. Et sur certains points, force est de constater que le projet de loi a dérapé », estime Luc Mathieu, négociateur CFDT. Et ces « dérapages » commencent dès le premier article du texte qui écarte le principe de non-substitution entre salaires et dispositifs d’épargne salariale (intéressement, participation, prime de partage de la valeur) au profit d’un simple « rappel des bonnes pratiques ». Même punition du côté de l’article 14 de l’ANI. Là où les partenaires sociaux avaient explicitement souhaité introduire des mesures visant à annihiler les conséquences du travail à temps partiel, lié à un congé parental ou à un mi-temps thérapeutique, sur le versement de la prime d’intéressement, le projet de loi se contente d’en appeler à la bonne volonté des employeurs.
Dans le détail du texte, d’autres éléments gênent les syndicats aux entournures, comme la mise à l’écart de la disposition prévoyant des déblocages anticipés des PEE2 en cas de rénovation énergétique du domicile ou de dépenses en tant que proche aidant. Ailleurs, ce sont de nouveaux arbitrages qui sont demandés, telle l’obligation faite à l’employeur de plus de 50 salariés de mettre en place des dispositifs de partage de la valeur en cas de profits « exceptionnels » (article 9) sans plus de précisions, là où les partenaires sociaux avaient explicitement décrit une formule de calcul de ces profits (supérieurs à 1 % du CA pendant trois ans). Ou l’assouplissement de certaines mesures calendaires qui risquent d’empêcher des salariés nouvellement arrivés dans l’entreprise de profiter, plusieurs années durant, d’une mesure de partage de la valeur accessible aux plus anciens. Révision de copie demandée, donc.
(1) Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle.
(2) Plan d’épargne d’entreprise.
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