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« La démission ne se présume pas » (Patricia Drevon, FO)

Syndicats | publié le : 05.05.2023 | Benjamin d’Alguerre

Patricia Drevon, Secrétaire confédérale en charge de l’Organisation et des Affaires juridiques.

Patricia Drevon, Secrétaire confédérale en charge de l’Organisation et des Affaires juridiques.

Crédit photo FGTA FO

FO a été la première organisation syndicale à déposer un recours devant le conseil d’État contre le décret assimilant l’abandon de poste d’un salarié à une présomption de démission... Mais aussi, pour la première fois, contre le « questions-réponses » du Gouvernement accompagnant sa mise en œuvre. Explications avec Patricia Drevon, secrétaire confédérale en charge de l’Organisation et des Affaires juridiques.

Pour quelles raisons et sur quels motifs FO attaque-t-elle ce décret ?

Patricia Drevon : Selon nous, ce décret n’a pas d’autre objectif que de restreindre – une fois de plus ! – l’accès des salariés aux indemnités chômage, puisque le salarié présumé démissionnaire en sera privé, contrairement au salarié licencié. Sauf que la notion de « présomption de démission », introduite par la loi relative au fonctionnement du marché du travail et ce décret qui la met en musique, va à l’encontre de la définition de démission énoncée par le Code du travail. À savoir que la démission ne se présume pas et doit être claire et non équivoque. Plusieurs jurisprudences récentes de la Cour de cassation1 le rappellent d’ailleurs.

Le Gouvernement a cependant voulu apporter quelques garde-fous pour éviter l’utilisation abusive de cette mesure par les employeurs et apporter quelques garanties de sécurité aux salariés, qu’en pensez-vous ?

P. D. : Ces garanties sont très largement décevantes tant leur mise en place est défavorable aux salariés ! Déjà, le temps accordé à l’employeur pour mettre son salarié en demeure de revenir à son poste ou de justifier son absence est très court : 15 jours. De plus, ce délai prend en compte tous les jours de la semaine – et pas seulement les jours ouvrés - et le délai commence dès « la première présentation de la mise en demeure au salarié »… C’est-à-dire sans tenir compte de l’effectivité de sa réception par le salarié ou pas ! Imaginons un salarié hospitalisé et peu entouré : comment sera-t-il averti de cette mise en demeure de son employeur ? Bref, cela risque surtout de créer de l’insécurité juridique et du contentieux. D’ailleurs, la majorité des organisations d’employeurs, sauf le Medef, a voté contre le projet de décret lors de son examen devant la CNNCEFP2 le 10 mars dernier.

Vous attaquez également le « questions-réponses » du Gouvernement qui apporte des précisions sur l’application du décret. Pourquoi ?

P. D. : Parce que pour une fois, un « Q/R » présente une portée générale et normative alors que ce n’était pas le cas auparavant, ce qui le rend dangereux ! Primo, il viole la convention 158 de l’OIT sur le licenciement (qui le définit comme une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur). Secundo, parce qu’il interdit à l’employeur de licencier pour cause d’abandon de poste… ce qui va à l’encontre de la loi et du décret ! C’est absurde. 

 

(1) Cass. soc., 9-5-07, n°05-42201 ; Cass. soc., 18-5-22, n°20-15113

(2) Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre