FO a été la première organisation syndicale à déposer un recours devant le conseil d’État contre le décret assimilant l’abandon de poste d’un salarié à une présomption de démission... Mais aussi, pour la première fois, contre le « questions-réponses » du Gouvernement accompagnant sa mise en œuvre. Explications avec Patricia Drevon, secrétaire confédérale en charge de l’Organisation et des Affaires juridiques.
Pour quelles raisons et sur quels motifs FO attaque-t-elle ce décret ?
Patricia Drevon : Selon nous, ce décret n’a pas d’autre objectif que de restreindre – une fois de plus ! – l’accès des salariés aux indemnités chômage, puisque le salarié présumé démissionnaire en sera privé, contrairement au salarié licencié. Sauf que la notion de « présomption de démission », introduite par la loi relative au fonctionnement du marché du travail et ce décret qui la met en musique, va à l’encontre de la définition de démission énoncée par le Code du travail. À savoir que la démission ne se présume pas et doit être claire et non équivoque. Plusieurs jurisprudences récentes de la Cour de cassation1 le rappellent d’ailleurs.
Le Gouvernement a cependant voulu apporter quelques garde-fous pour éviter l’utilisation abusive de cette mesure par les employeurs et apporter quelques garanties de sécurité aux salariés, qu’en pensez-vous ?
P. D. : Ces garanties sont très largement décevantes tant leur mise en place est défavorable aux salariés ! Déjà, le temps accordé à l’employeur pour mettre son salarié en demeure de revenir à son poste ou de justifier son absence est très court : 15 jours. De plus, ce délai prend en compte tous les jours de la semaine – et pas seulement les jours ouvrés - et le délai commence dès « la première présentation de la mise en demeure au salarié »… C’est-à-dire sans tenir compte de l’effectivité de sa réception par le salarié ou pas ! Imaginons un salarié hospitalisé et peu entouré : comment sera-t-il averti de cette mise en demeure de son employeur ? Bref, cela risque surtout de créer de l’insécurité juridique et du contentieux. D’ailleurs, la majorité des organisations d’employeurs, sauf le Medef, a voté contre le projet de décret lors de son examen devant la CNNCEFP2 le 10 mars dernier.
Vous attaquez également le « questions-réponses » du Gouvernement qui apporte des précisions sur l’application du décret. Pourquoi ?
P. D. : Parce que pour une fois, un « Q/R » présente une portée générale et normative alors que ce n’était pas le cas auparavant, ce qui le rend dangereux ! Primo, il viole la convention 158 de l’OIT sur le licenciement (qui le définit comme une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur). Secundo, parce qu’il interdit à l’employeur de licencier pour cause d’abandon de poste… ce qui va à l’encontre de la loi et du décret ! C’est absurde.
(1) Cass. soc., 9-5-07, n°05-42201 ; Cass. soc., 18-5-22, n°20-15113
(2) Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle.