Comment les syndicats sont-ils perçus par les salariés ? Une étude récemment diffusée par la Dares, la direction statistique du ministère du Travail, permet d’avoir une idée plus précise sur cette question. À partir d’un panel de questions d’opinion, les auteurs aboutissent au constat que les salariés ont « une perception plutôt positive » des syndicats mais que la part des salariés affichant cette perception tend à décliner sur la période récente. Revenant sur l’évolution du syndicalisme, l’étude relève d’abord que le mouvement de désyndicalisation observé dans les années 1980 ne s’est pas accompagné d’une dégradation de la confiance des salariés envers les syndicats.
La part de ceux déclarant avoir « plutôt » ou « tout à fait » confiance (les deux modalités ne sont pas toujours distinguées) est passée de 50,1 % en 1978 à 50,8 % en 1988, puis 45,9 % en 2002 et 50 % en 2012. Une enquête (ISSP), menée en 2015, fait apparaître que 59,1 % des salariés considèrent que « les travailleurs ont besoin de syndicats forts pour protéger leurs intérêts » et qu’une minorité seulement (14,2 %) exprime un désaccord avec cette affirmation. Les salariés du secteur marchand sont dans la même optique. Dans une enquête de 2017, 44,3 % estimaient que « les syndicats rendent des services aux salariés » et 26,7 % seulement se disaient en désaccord avec cette affirmation. Interrogés sur le fait de savoir si « les syndicats font passer leurs mots d’ordre et leurs intérêts avant ceux des salariés », un tiers des salariés (32,3 %) se disaient favorables à cette affirmation et 33,5 % optaient pour l’attitude opposée. Au cours de la dernière décennie, le nombre de salariés ayant une perception positive a diminué. Entre 2011 et 2017, le taux de salariés estimant que les syndicats leur rendent des services passe de 58,2 % à 44,3 %. Sur la même période, le pourcentage de salariés considérant que « les syndicats jouent un rôle irremplaçable dans la représentation des salariés » est passé de 52,9 % à 37 %.
Pour autant, ce mouvement de déclin n’a pas pour corollaire une augmentation équivalente de salariés ayant une perception négative du rôle des syndicats. La progression se produit parmi ceux qui ne se prononcent pas sur les affirmations proposées, et ce, quelle que soit l’affirmation (entre + 8,2 et + 9,5 points). La part des salariés qui ne s’expriment sur aucune des affirmations proposées passe en effet de 12,9 % en 2011 à 22,6 % en 2017. Les auteurs de l’étude y décèlent « une forme d’extériorité vis-à-vis de l’action syndicale », de « prise de distance », de « retrait », voire « d’indifférence ». Au vu des caractéristiques des sondés et de leur lieu de travail, les auteurs aboutissent à la conclusion qu’exprimer ou pas une opinion sur les syndicats « semble donc lié au fait de les côtoyer ou non, au contexte socioproductif et aux caractéristiques sociales et professionnelles des salariés ». Ils estiment que se dessine une « fracture » entre, d’un côté, un salariat jeune, féminisé, peu qualifié et peu intégré professionnellement, ayant peu de contacts avec l’action syndicale, se sentant « peut-être » moins légitime pour répondre à des questions sur les syndicats ; et de l’autre des salariés plus qualifiés, « stabilisés », plus fréquemment au contact de l’action syndicale et qui se sentiraient ainsi plus « légitimes » pour exprimer une opinion.