Alors que s’amorce la reprise chez Amazon, le règlement des « droits de retrait » pourrait devenir une nouvelle pierre d’achoppement entre la direction et les organisations syndicales, selon Jean-François Bérot, représentant syndical Sud Commerces et services sur le site Amazon de Saran (Loiret).
Quelle est la situation des salariés ayant exercé leur droit de retrait ?
La question des salariés ayant exercé leur droit de retrait est le point noir de l’accord passé avec Amazon. Fin mars, la direction a décidé d’augmenter de deux euros le taux horaire et de 100% le taux des heures supplémentaires. Elle avait alors précisé qu’aucune sanction ne serait prise par rapport aux salariés ayant exercé leur droit de retrait mais dans la pratique, la direction refuse de verser le salaire des personnes concernées, soit environ 350 salariés. Au total, cela représente 1500 jours de travail. Sur les sites de Saran et Brétigny, nous avons décidé de porter devant le conseil de prud’hommes les dossiers de onze salariés ayant exercé leur droit de retrait. Nous nous baserons sur la réalité de l’état d’urgence sanitaire, qui crée une situation grave et anxiogène. Nous soulignerons aussi qu’Amazon n’avait pas pris la mesure du problème dès l’annonce du confinement ni mis en place de plan de prévention. Au lieu de réduire les effectifs et l’activité, la direction a continué à embaucher massivement des intérimaires dont beaucoup venaient sur les sites en empruntant les transports en commun, qui sont un vecteur important de transmission du virus. Nous avons par ailleurs constaté l’insuffisance ou l’absence d’éléments de protection des salariés, que ce soit le gel hydro-alcoolique, les masques ou les mesures de distanciation sociale. Lorsque nous avons lancé notre première alerte, Amazon a simplement indiqué que les salariés ne devaient plus se serrer la main et institué les mesures de distanciation sociale. La quantité de gel hydro-alcoolique était insuffisante, dans nombre de zones des sites la distanciation était impossible et il y avait encore beaucoup de flux de croisements qui mettaient en contact trop de personnes.
Quel jugement portez-vous sur le comportement d’Amazon ?
Amazon a aussi fait pression sur les salariés pour qu’ils n’exercent pas leur droit de retrait, en leur envoyant des courriers électroniques indiquant que le droit de retrait n’était pas justifié puisqu’ils avaient pris des mesures de protection, mais ce n’était pas le cas. Ces mesures n’étaient que partiellement mises en place et sans aucune concertation avec les élus. Tous ces éléments sont de nature à justifier pleinement l’exercice du droit de retrait. Ces éléments sont d’autant plus valables que l’ex-directrice du site de Saran avait suspendu l’intégration des intérimaires car elle savait qu’en cas de contamination, sa responsabilité pénale pouvait être engagée.
Quels arguments comptez-vous mettre en avant ?
Dans les jugements rendus à Nanterre et Versailles figurent des arguments qui justifient l’exercice du droit de retrait. Nous allons demander le versement des salaires et éventuellement des indemnités pour préjudice subi. Nous considérons que le non-versement des salaires constitue une sanction. Amazon se targue de respecter les droits des salariés mais la direction pratique une contestation systématique des arrêts de travail, des décisions judiciaires et de toute mise en cause basée sur la santé et la sécurité. Aujourd’hui, lorsqu’un salarié a un arrêt de travail d’un mois ou plus, la direction demande systématiquement à la CPAM d’effectuer une contre-visite. Cela peut aussi arriver avec des accidents bénins. Cela peut expliquer en partie pourquoi la reprise ne se fait pas au rythme qu’espérait la direction. Au 26 mai, elle s’attendait à avoir 80% des effectifs sur les sites. En réalité, il n’y en a qu’un peu plus de 40% en comptant les réquisitions.
Propos recueillis par Gilmar Sequeira Martins