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« Sur le plan politique, le Medef a été souvent absent » (Michel Offerlé)

Organisations patronales | publié le : 16.05.2023 | Benjamin d'Alguerre

Michel Offerlé est professeur émérite à l’ENS, auteur de plusieurs ouvrages et articles sur les patronats, et notamment sur le Medef.

Michel Offerlé est professeur émérite à l’ENS, auteur de plusieurs ouvrages et articles sur les patronats, et notamment sur le Medef.

Crédit photo DR

La campagne pour la présidence du Medef entre dans sa dernière ligne droite. Patrick Martin, président-délégué du mouvement et Dominique Carlac’h, vice-présidente en charge de la RSE, s’y disputent la succession de Geoffroy Roux de Bézieux. Pour Michel Offerlé, spécialiste du patronat, l’élection n’est pas encore jouée, mais le prochain patron des patrons devra rattraper cinq années durant lesquelles la voix du Medef a été enrouée.

Michel Offerlé est professeur émérite à l’ENS. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et articles sur les patronats, et notamment sur le Medef. Il est l'auteur de Les patrons des patrons. Histoire du Medef, La Découverte, 2013 et Ce qu'un patron peut faire, Une sociologie politique des patronats, Gallimard, 2021.

La présidence de Geoffroy Roux de Bézieux au Medef s’arrête le 6 juillet prochain. Quel bilan peut-on tirer de ses cinq années à la tête du mouvement patronal ?

Michel Offerlé : Il est toujours très difficile de faire des « bilans » politiques, surtout dans une confédération, château de cartes fragile où il faut savoir trouver, de manière contrainte, des compromis pour ne pas froisser les intérêts des divers patronats. Geoffroy Roux de Bézieux a été souriant, bon client médiatique, rarement agressif contrairement à Pierre Gattaz. Il n’a guère transformé le Medef en interne, sinon le logo, mais pas le sigle. Le nombre de fédérations confédérées a crû, ce qui n’a pas empêché la CPME de revendiquer le titre de première organisation en matière d’ « entreprises » adhérentes (mais qu’est-ce qu’un adhérent en terre patronale ?). Sur le plan politique, le Medef, dont il a porté la parole, a été souvent absent, par tactique, par nécessité ou du fait de la boulimie présidentielle pro-business que le Medef a plus accompagnée qu’inspirée. Sur les quatre grands dossiers du moment, la question du travail, la transition environnementale, les inégalités et le sens de la mondialisation, la voix patronale est enrouée.

Le Medef, très absent de la réforme des retraites, ne risque-t-il pas d'être « cornérisé » par l'exécutif qui pourrait lui préférer le dialogue avec les syndicats, beaucoup plus prompts à mobiliser la rue ?

M. O. : Les ouvertures à gauche peuvent être une option pour l’exécutif pour sécuriser un électorat de deuxième tour pour 2027. Mais la fracture est profonde et la facture syndicale, pour renouer le dialogue, risque d’être salée ; par ailleurs, certains syndicats peuvent aussi privilégier un dialogue direct avec le patronat.

L’élection à venir n'opposera pas directement métallurgie et services comme c'est (presque) habituellement le cas. Comment interpréter cet état de fait ?

M. O. : Pour l’instant, seules quelques fédérations1 ont choisi Patrick Martin. La question est de savoir si les votes des fédérations seront bloqués, et pour qui les unions territoriales, qui constituent désormais, malgré leurs faibles contributions financières, 40 % des grands électeurs, opteront. Il ne faut pas aussi oublier qu’il existe d’autres acteurs, moins visibles, qui peuvent avoir un rôle dans la mobilisation des soutiens. Ceux que l’on appelait les « parrains du patronat » et les grands féodaux de l’Afep. Voire l’exécutif. Mais il est possible que la continuité par Patrick Martin puisse leur paraître rassurante.

De même, comment se fait-il qu'aucune « grande » personnalité patronale ne souhaite concourir pour la présidence de l'organisation ? Est-ce une forme de désintérêt pour la fonction alors qu'un exécutif pro-business est en place ?

M. O. : Patricia Barbizet ne s’est pas présentée à la présidence du Medef, mais a été appelée à celle de l’Afep ! Le rôle de « patron des patrons » est très complexe, ingrat, et peu extensible, pour qui veut enjamber les structures confédérales. Dominique Carlac’h veut-elle, et peut-elle, faire un parcours à la « Parisot » ? En a-t-elle les ressources et les soutiens ?

Aucun des deux candidats à la présidence n'a été chef de file dans une grande négociation ou à la direction d'un grand organisme paritaire. Cela veut-il dire quelque chose en matière d'abandon du paritarisme ?

M. O. : Depuis François Ceyrac (1972-1981), aucun dirigeant CNPF/Medef n’a été un grand négociateur ou dirigeant paritaire (si l’on excepte Geofffroy Roux de Bézieux à l’Unedic). Le rôle présidentiel consiste, disait Ernest-Antoine Seillière, à être un « ensemblier » sur les dossiers économiques, sociaux, voire sociétaux, avec un entregent médiatique. Par rapport à 2018, les « paritarismes » semblent moins menacés, côté patronal.

(1) À date : la métallurgie, la plasturgie et les concessionnaires automobiles.

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre