Protection sociale, fiscalité, éducation, formation, reconversions professionnelles… pour réindustrialiser la France, l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) propose un remède de cheval sous forme d’une transformation en profondeur du modèle social et économique français. Inventaire.
À moins de trois mois du premier tour de l’élection présidentielle, les propositions patronales pour réformer le modèle économique et social français commencent à tomber. Après celles du Medef présentées le 25 janvier et en attendant celles de la CPME le 10 février prochain, c’est l’UIMM qui entrait dans la danse le 31 janvier en rendant public son propre cahier de doléances adressé aux différents candidats à l’Élysée d’ores et déjà invités à passer un « grand oral » le 9 février prochain à la Maison de la Mutualité devant près d’un millier de patrons de l’industrie.
Objectif affiché par l’Union des métiers de la métallurgie : réindustrialiser le pays. « La crise sanitaire a mis en lumière les fragilités du pays résultant de sa désindustrialisation. Chacun est désormais conscient que sans industrie forte, un pays n’est plus véritablement maître de son destin », alertent les dirigeants des métallos. Dans le détail, « la France s’est retrouvée hors-jeu dans la course aux vaccins et distancée dans celle des traitements antiviraux. Elle a dû massivement importer des masques, des médicaments… dévoilant sa dépendance de pays tiers pour son approvisionnement en biens essentiels. L’industrie française a pris conscience, avec le confinement strict de la Chine et des pays asiatiques et les fortes perturbations du commerce mondial, de la grande vulnérabilité de ses chaînes d’approvisionnement », explique l’UIMM, qui attribue à la désindustrialisation du pays (le moins industrialisé du G7 avec la Grande-Bretagne) son déficit commercial estimé entre 70 et 90 milliards d’euros là où l’Allemagne affiche des excédents annuels situés entre 200 et 250 milliards…
Refondation d'un modèle de protection sociale « dispendieux »
Pour renverser la vapeur, l’UIMM pose sur la table un plan de bataille en trois volets qui passerait, en premier lieu, par une refondation drastique du modèle social français devenu « l’un des plus dispendieux » du monde, selon ses calculs. Avec une proposition de refonte qui passerait successivement par une refonte de l’architecture de la protection sociale avec la mise en place de deux pôles de financement bien distincts : le premier, financé par l’État, piloté par l’État, concernerait les prestations familiales, vieillesse, retraites et un socle minimal de droit à l’assurance-chômage ; le second, appuyé sur les cotisations sociales et géré par les partenaires sociaux, engloberait les différentes complémentaires.
30 à 35 milliards d'impôts de production en moins sur cinq ans
Ce premier étage de la fusée « refondation sociale » s’accompagnerait d’une réduction de 17 milliards d’euros des cotisations employeurs en substituant à l’ensemble des allègements actuels, d’une part, une « franchise » de cotisations d’un montant forfaitaire applicable à tous les salaires jusqu’à 4,5 Smic et, d’autre part, un allègement des cotisations au niveau du Smic et décroissant jusqu’à 1,5 Smic, l’objectif étant de réduire le coût du travail des salaires moyens et supérieurs tout en préservant le niveau actuel des allègements sur les bas salaires. Réformes supplémentaires : une réduction de 30 à 35 milliards des impôts de production sur les entreprises perlée sur l’ensemble du prochain quinquennat associé à une réforme des retraites qui ferait passer l’âge minimum de départ de 62 à 65 ans d’ici 2035.
Un grand chantier éducation-formation
En parallèle de cette « refondation sociale », l’UIMM réclame un grand chantier éducation-formation pour renforcer les formations scientifiques et les formations menant aux métiers du secteur où 76 000 emplois ne sont pas pourvus malgré les besoins. Et tout débuterait dès l’école, à en croire les patrons de la métallurgie, avec des moyens supplémentaires donnés au primaire pour renforcer les savoirs de base, notamment en mathématiques, et un coup de booster donné à l’apprentissage des sciences et au développement de la culture scientifique dans les établissements scolaires. Ce qui s’accompagnerait d’une transformation du système de gestion des établissements. Dans le secondaire, la gestion des lycées pro pourrait être confiée aux branches qui pourraient y développer l’apprentissage ; dans le supérieur, les directeurs pourraient disposer de davantage de liberté de gestion pour revoir leurs cursus, embaucher des enseignants-chercheurs et construire des formations « à la carte » pour coller aux besoins de l’industrie. Autres mesures demandées : la fusion des contrats d’apprentissage et de professionnalisation, substitution des services publics régionaux de l’orientation par des « agences régionales de l’orientation professionnelle » sous pilotage des régions et des acteurs du CEP, révision à la hausse de la place des branches dans le pilotage de France Compétences, mise en place d’un « crédit d’impôt formation » se substituant à la mutualisation des fonds de formation, qui bénéficierait aux entreprises engageant des dépenses (hors formations obligatoires) pour développer les compétences de leurs salariés, plafonnement d’un CPF strictement réservé aux compétences professionnelles et instauration d’une clause de dédit-formation pour encourager les salariés bénéficiaires de formations longues payées par leur employeur à rester dans l’entreprise.
Accélérer la mutation du travail
Enfin, pas de redressement industriel possible sans facilitation des mutations du travail accélérées par la démocratisation du télétravail et de la robotisation, juge l’UIMM, qui appelle à davantage de souplesse du management dans les usines et à des entreprises plus apprenantes afin de faciliter les passerelles d’emploi. Deux outils seraient susceptibles d’être particulièrement mobilisés à cet effet : Pro-A, ce dispositif de promotion ou de reconversion par l’alternance qui a remplacé la période de professionnalisation en 2018. S’il prend peu pour l’heure, l’UIMM propose de lui donner une seconde chance grâce à un assouplissement de ses conditions d’accès. Et le congé de mobilité, lui aussi sous-employé, qui pourrait se voir facilité, pour les reconversions externes à l’entreprise en autorisant son accès non seulement par accord d’entreprise, mais aussi par accord de branche étendu et élaboration par l’employeur d’un document unilatéral homologué par l’administration.