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"La crise a été un puissant accélérateur du dialogue social" (Geoffroy Roux de Bézieux)

Organisations patronales | publié le : 05.05.2021 | jean-paul coulange

Dans l'entretien qu'il a accordé à Liaisons sociales magazine (mai 2021), Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, revient en détail sur la nouvelle méthode de négociation interprofessionnelle qu'il a proposée aux organisations syndicales. Retrouvez l'intégralité de cette interview sur www.info-socialrh.fr 

Le Medef a-t-il changé de doctrine en proposant aux syndicats un agenda pour relancer le dialogue social interprofessionnel ?

Geoffroy Roux de Bézieux : Durant ma campagne pour la présidence du Medef, j’ai expliqué que la négociation ne pouvait plus fonctionner comme dans les années soixante-dix ou quatre-vingt. Les 35 heures ont été le dernier grand soir avec une décision prise au niveau central et s’appliquant à toutes les entreprises. J’ai rappelé qu’on avait besoin de développer le dialogue social et de réinventer le paritarisme. À la fois le paritarisme de gestion, dont les prérogatives ont été rognées au fil des années par l’intrusion de l’État, de façon parfois justifiée, parfois moins, et le paritarisme de négociation, qui a perdu de son influence en raison d’une fragmentation de l’organisation des entreprises. Même si la négociation doit avoir lieu au plus près du terrain, les partenaires sociaux ont un rôle à jouer au niveau interprofessionnel. 

Comment les choses se sont-elles passées depuis 2018 ?

G. R.-d.-B. : Depuis mon élection, la crise sanitaire a été un puissant accélérateur du dialogue social. Les acteurs ont su trouver des solutions, sur le terrain, en s’emparant de dispositifs comme l’APLD, à partir du protocole signé au niveau national. Le succès de ces accords nous a surpris. Quand, avec l’UIMM, nous avons mis au point l’APLD, nous pensions que cela ne dépasserait pas quelques centaines d’accords dans l’industrie lourde. À l’arrivée, le marché a acheté ! Ensuite, le niveau interprofessionnel a réussi à signer deux accords sur le télétravail et la santé au travail, qui ont, pour moi, valeur de références. Le sujet du télétravail est révélateur du nouveau rôle que doit jouer le niveau interprofessionnel, en n’établissant pas de norme et en laissant les acteurs de terrain négocier des accords. La bonne nouvelle concernant la santé du dialogue social en France est que quatre syndicats sur cinq ont signé. Nous avons pu également réformer une institution paritaire qui était fortement remise en cause, la santé au travail, dans un temps relativement court. Forts de ces deux succès, j’ai pris l’initiative d’écrire aux syndicats pour leur proposer huit thèmes de négociation. 

Est-ce une initiative offensive ou défensive, vis-à-vis de l’État ? 

G. R.-d.-B. : Les deux. C’est offensif dans la mesure où les partenaires sociaux ont un rôle à jouer dans une société très fragmentée. Si des acteurs nationaux parviennent à se mettre autour de la table et à s’entendre, cela peut contribuer à pacifier les choses. Il y a bien entendu un côté défensif, pour prendre date vis-à-vis du Gouvernement en place et des Gouvernements futurs. Le plus dur est devant nous car il reste à délivrer. Mais si nous parvenons à montrer que le dialogue social national est utile et efficace pour les entreprises comme pour les salariés, cela nous rend, non pas incontournables, mais pertinents dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022.

Quelle méthode de négociation préconisez-vous ?

G. R.-d.-B. : À chaque fois, nous essayons de poser d’abord un diagnostic en faisant un bilan des accords déjà signés. Exemple, le bilan de l’ANI sur la formation professionnelle. La loi de 2018 qui a transcrit cet accord a très bien marché sur l’apprentissage, moins bien sur la formation  professionnelle. Mais la formation professionnelle en période de télétravail, ce n’est pas tout à fait la même chose. Ensuite, s’il y a accord des parties, nous allons plus loin. Même chose pour l’accord de 2012 sur le développement du paritarisme. Est-ce qu’il a bien fonctionné ? Sur les prud’hommes, qu’est-ce qui s’est passé depuis les différentes réformes ? Que peut-on améliorer ? C’est une méthode pragmatique. 

Sur des sujets comme la transition écologique, l’accueil des syndicats a été mitigé ; sur les ATMP, ils sont franchement hostiles. Les thèmes peuvent-ils changer ?

G. R.-d.-B. : Bien entendu. Ce sont d’ailleurs des thèmes que nous avons programmés pour 2022. Sur les ATMP, il y a une forte suspicion des organisations syndicales sur notre volonté de baisser les cotisations, alors que notre objectif est d’avoir un système de gestion paritaire « pur », l’utilisation des excédents sera discutée entre les partenaires sociaux pour faire, par exemple, de la prévention. Sur la transition écologique, les avis sont partagés. Mais au niveau de l’entreprise on peut pousser, par exemple, les forfaits de mobilité durable, améliorer l’efficacité thermique des bâtiments, améliorer la qualité de la restauration collective. La discussion peut avoir lieu au niveau du CSE, le niveau interprofessionnel fournissant un référentiel utile pour les deux parties. 

L’absence de la CGT, deuxième syndicat de salariés, à ces négociations remet-elle en cause la légitimité des accords ?

G. R.-d.-B. : Je ne peux que le regretter. Mais au niveau national, la CGT signe très peu d’accords. Ce qui nous intéresse, c’est de discuter avec des gens qui ont envie de négocier et la capacité de signer.  

Les deux agendas sociaux, le vôtre et celui de l’État, sont-ils compatibles ?

G. R.-d.-B. : L’autre agenda social, qui a déboulé au cours de l’été, a été construit à partir d’une liste de sujets sans se soucier de savoir s’ils étaient consensuels et s‘il y avait un point d’atterrissage possible. Les dix-sept sujets sont de nature et d’importance très différentes. Dès le départ, cet agenda social n’en est pas un. Le nôtre est construit de façon plus systématique, sur un temps plus long, sur des sujets où il y a cette possibilité d’atterrir. Les points de chevauchements concernent notamment la formation.

L’État vous convie-t-il à des concertations ou à des négociations ?

G. R.-d.-B. : Le mode de l’État est majoritairement celui de la concertation, qui est une consultation avec plus ou moins d’écoute, alors que je prône l’autonomie des partenaires sociaux, que ce soit dans les organismes paritaires ou sur des sujets de nature interprofessionnelle. Se quitter en constatant qu’il n’y a rien à négocier n’est pas, en soi, un échec. 

Propos recueillis par Jean-Paul Coulange et Benjamin d’Alguerre

 

 

 

 

 

 

Auteur

  • jean-paul coulange