Si la loi dite « Rebsamen », relative au dialogue social, d’août 2015 a imposé leur présence dans les conseils d’administration, comités de pilotage et autres comités de direction des entreprises de plus de 1000 salariés, et si la loi Pacte de mai 2019 l'a étendue*, les administrateurs salariés n’ont pas encore trouvé leur place, selon une étude réalisée par l’association Réalités du dialogue social (RDS) auprès de 28 administrateurs salariés. 71% d'entre eux ne comptent guère qu’une année de présence en tant qu'administrateur. Seuls 4% disposent d’un mandat depuis au moins dix ans, et encore s’agit-il d’administrateurs exclusivement présents dans les grandes entreprises de la fonction publique, sommées depuis la loi de démocratisation du secteur public de 1983, de faire un peu de place aux représentants des salariés dans leurs instances dirigeantes.
« Il est des entreprises où leur présence au conseil d’administration n’est vue que comme une contrainte juridique, mais dans l’ensemble, la bienveillance l’emporte sur la méfiance », observe Maud Stephan, déléguée générale de l’association RDS. À condition toutefois que l’administrateur salarié reste dans les clous de son mandat. « Il ne s’agit pas d’un Super-délégué du personnel, mais bien d’un administrateur de l’entreprise », poursuit-elle. Pour réellement s’intégrer, il lui faut parfois faire ses preuves… Meilleur atout de l’administrateur salarié : sa fine connaissance de l’entreprise et de la réalité des ressources humaines internes qui peuvent parfois échapper aux autres membres des hautes sphères et représenter une véritable plus-value. « Les instances dirigeantes regardent parfois de très haut. Nous leur apportons une dimension humaine », résume Hugues Epaillard, administrateur salarié CFE-CGC chez BNP Paribas. Une présence « de terrain » facilitée par le fait que 71% d’entre eux ont conservé une activité professionnelle dans l’entreprise et ne perdent pas le contact avec les collègues.
L’enjeu, toutefois, pour peser dans les orientations de l’entreprise, c’est l’accès des administrateurs salariés dans les comités techniques où sont prises un certain nombre de décisions. Dans les conseils d’administration « on est plus spectateurs qu’acteurs. Beaucoup de sujets doivent être abordés en quatre heures sans laisser de place à la discussion libre », témoigne l’un d’eux. La bonne connaissance du terrain de ces administateurs est parfois une clé d’accès : « Dès lors que l’on aborde les sujets RH, la voix des administrateurs salariés est souvent écoutée », indique Angeline Afanoukoe, administratrice salariée chez Nexans. « Ce poste relève souvent du soft power », concède Jean-Yves Petit, directeur des relations sociales à La Poste. En témoigne la hausse depuis quelques années des comités d’éthique et de RSE dans les entreprises, souvent à l’initiative de ces représentants des salariés. À terme, cependant, si les administrateurs salariés veulent réellement faire leur trou, quelques améliorations à la fonction sont à imaginer, selon Brigitte Wartelle, directrice associée chez Trust Management : une meilleure formation, un accès systématique aux différents comités, une amélioration des relations entre administrateurs salariés et IRP, établissement de bilans annuels de l’action des administrateurs salariés à présenter aux collaborateurs… Bref, il y a encore du chemin. « On reste loin de la codécision dans les entreprises », résume Hugues Epaillard.
*Un administrateur salarié dans les conseils d’administration de moins de huit membres et deux au-dessus.