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"Les entreprises ont intérêt à signer des accords internationaux" (New Bridges)

Dialogue Social | publié le : 10.06.2021 | Gilmar Sequeira Martins

Fondateurs de New Bridges, un cabinet de conseil en relations sociales internationales, Marie-Noëlle Lopez et Jean-Christophe Sciberras passent en revue les atouts de cette dimension du dialogue social.

Quelle est l'utilité d'accord passés avec les organisations syndicales internationales ou mondiales ?

Jean-Christophe Sciberras : Le premier intérêt est directement lié à l'émergence de ces acteurs, qui sont de plus en plus présents. Ne pas travailler avec eux, c'est s'exposer à des risques, en particulier dans le domaine réputationnel. Pour les entreprises en B2C, c'est un point essentiel. J'ai toujours été frappé de constater qu'ignorer les gens, parfois par négligence, est souvent la source de bien des problèmes. Les entreprises ont intérêt à mieux connaître ces acteurs. Signer des accords est, comme en France, un acte de respect et de reconnaissance apprécié. La seconde raison qui devrait conduire les entreprises à réfléchir à ce type d'accords, c'est qu'ils permettent de réaliser des progrès. J'ai pu conclure des accords avec des organisations syndicales mondiales lorsque j'étais en fonction chez Rhodia, puis Solvay. Ils ont permis par exemple d'instituer deux fois par an des visites conjointes sur des sites choisis par l'organisation syndicale. Cela a permis de réaliser ces visites et de rencontrer ensemble les représentants du personnel locaux avec les directions locales, avec une volonté de transparence, ce qui a créé la confiance avec les fédérations syndicales mondiales. Cela ouvre des portes et permet de faire émerger et de traiter des sujets qui n'avançaient pas.

La dimension locale ne devrait-elle pas au contraire favoriser l'émergence de solutions ?

J.-C. S. : Heureusement, c'est souvent le cas. Mais pas systématiquement. Il n'est en effet pas toujours facile pour les syndicats dans certains pays d'oser aborder une question difficile avec la direction, en particulier dans une culture très hiérarchisée. Lors d'une visite en Corée du Sud conjointe avec une organisation syndicale mondiale avec laquelle un accord avait été signé, nous avons découvert que le syndicat local n'osait pas évoquer avec la direction la mise à la retraite des salariés à un âge inférieur à celui que prévoyait la loi qui avait entre-temps relevé cet âge. Ces salariés n'avaient alors plus de revenus ou étaient réembauchés par l'entreprise, mais à un salaire inférieur à celui perçu avant leur mise à la retraite. Grâce à cette visite et la relance des discussions, une solution a pu être trouvée en local, en respectant les acteurs locaux syndicaux comme le management. Ils ont trouvé une solution et les salariés auparavant mis à la retraite d'office ont pu rester en poste, avec leur salaire habituel, jusqu'au nouvel âge légal de départ à la retraite. Tout cela pour dire que quand un sujet reste bloqué et sans solution, cela devient la plupart du temps une source de frustration et donc de réduction de l'engagement des salariés concernés. En Corée, cela venait en plus impacter les négociations salariales qui étaient polluées par cette question non traitée.

Dans quels champs les entreprises ont-elles le plus d’intérêt à signer des accords mondiaux ?

Marie-Noëlle Lopez : Les accords internationaux, en organisant les canaux de de remontée d’information, sont un moyen d’agir concrètement sur les situations rencontrées au niveau des pays en portant les problèmes à la connaissance du management au niveau des groupes. C’est une vertu par rapport à ce que porte le devoir de vigilance, d’autant plus qu’il n’est plus seulement une préoccupation française. Ce type de législation s’étend à d’autres pays et pourrait même faire l’objet d’une directive européenne. Les organisations syndicales ont une carte à jouer par rapport à ces nouvelles réglementations, qui permettent d’évoquer la question des conditions de travail des salariés du groupe, mais aussi des sous-traitants. C’est un levier d’action pour les syndicats.

Propos recueillis par Gilmar Sequeira Martins

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins