Son arrivée à la tête d’Orange en avril 2022 présageait un changement de cap. Christel Heydemann a d’abord remanié la composition des instances dirigeantes en installant notamment Vincent Lecerf à la direction des ressources humaines en lieu et place de Gervais Pellissier, avant de concevoir un plan stratégique, « Lead the future ». Présenté à la mi-février, il postulait la nécessité d’une « restructuration ». Le puissant motif qui a poussé la nouvelle dirigeante à employer un terme aussi anxiogène n’est autre que la situation d’Orange Business. La crise sanitaire, en faisant la part belle aux outils de visioconférence, a en effet réduit de façon drastique une partie des activités de cette division spécialisée dans l’installation de serveurs téléphoniques et de postes fixes. Depuis trois ans, le chiffre d’affaires aurait fondu de 500 millions d’euros (7,9 milliards d’euros en 2022) et le bénéfice opérationnel de 35 %. La nouvelle direction souhaite arriver à stabiliser ce dernier paramètre d’ici 2025 grâce à... un plan de départs volontaires.
La présentation initiale prévoit la suppression de 700 postes sur un total de 5 700, soit 12 % du total. La direction compte parvenir à ce résultat en utilisant une rupture conventionnelle collective. Ce plan, le premier de ce type depuis la crise sociale de 2009 provoquée par au moins dix-neuf suicides, n’a pas manqué de faire réagir les organisations syndicales. Michel Dana, élu CFE-CGC du CSE central de la société, a tenu à rappeler que ces suppressions d’emplois « s’ajoutent aux 1 000 qui ont disparu de ce périmètre entre 2020 et 2022 ». À cette coupe claire dans les effectifs, il ajoute aussi l’effet du dispositif « Temps partiel senior ». Lancé en 2010, ce dispositif permet aux salariés les plus âgés d’anticiper leur départ à la retraite. Depuis sa création, 42 000 salariés ont eu recours à ce système, dont 7 600 pour la seule année 2022.
Alors que Michel Dana indique ne pas avoir encore officiellement connaissance du nombre exact de salariés concernés sur le périmètre d'Orange Business, d’autres sources indiquent un total de 900 salariés. Le responsable de la CFE-CGC souligne surtout que l’ensemble cumulé de ces dispositifs signifie que « pas loin de 25 % à 30 % de l’effectif a disparu depuis 3 ans ». Déplorant que la direction ne prévoie comme levier d’économies que la réduction de la masse salariale, il s’étonne aussi que soit maintenue autant de surface immobilière de bureaux dont le coût pèse sur la rentabilité de la division.
Ce premier pas vers une « restructuration » marque-t-il aussi un recul des ambitions d’Orange en matière de RSE ? Le groupe indique en effet dans ses documents que « les femmes et les hommes sont [son] plus grand atout » et qu’il souhaite « leur offrir une expérience optimale, à la fois humaine, inclusive et digitale », ajoutant que « la crise sanitaire a précipité la transformation [des] modes de travail » et qu’il a pour but de réinventer la vie professionnelle de demain, « au plus près des attentes et des besoins de chacun ». Le recours à une « restructuration », procédé qui emprunte à un registre ancien, ne risque-t-il pas de faire régresser la qualité du dialogue social ?