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Comment relever les défis du futur du travail ?

Dialogue Social | publié le : 19.06.2023 | Gilmar Sequeira Martins

De gauche à droite : Alexandre Viros, président d'Adecco Group en France ; Astrid Panosyan-Bouvet, députée de Paris (Renaissance), membre de la commission des affaires sociales et Sylvain Reymond, directeur général de la communauté Les entreprises s'engagent.

Crédit photo Sequeira MARTINS Gilmar

Les difficultés de recrutement vont-elles persister ? Comment répondre aux attentes accrues ou nouvelles des candidats ? Autant de questions auxquels des experts reconnus du monde du travail ont apporté des réponses lors d’une conférence organisée par Adecco.

« Beaucoup a déjà été fait pour les jeunes, il faut maintenant faire entrer les seniors sur le marché du travail », estime d’emblée Alexandre Viros, président du groupe Adecco en France. Autre défi majeur pour le pays : les trajectoires professionnelles doivent être repensées. Les actifs seront appelés à travailler dans un nombre toujours plus élevé d’entreprises et devront enrichir et faire évoluer leurs compétences plus rapidement qu’aujourd’hui. « C’est un défi énorme », souligne Alexandre Viros, en particulier pour les cols-bleus, qui n’ont pas tous un rapport évident à la formation. Le schéma habituel, fondé sur la constitution d’un « stock » (un capital de compétences utilisé durant la carrière) et le diplôme, qui servait de tremplin pour faire carrière, va être peu à peu remplacé par une logique de « flux », avec une importance croissante de la formation tout au long de la vie, estime le président de Adecco France. Cela aura une conséquence majeure pour les entreprises : « Elles vont devoir se concevoir comme des productrices permanentes de compétences, ce qui va changer le rapport à l’entreprise et remettre le capital humain au centre du jeu. »

Interrogé sur le rapport actuel des actifs au travail, Antoine Foucher, fondateur et président de Quintet Conseil, mais aussi ancien directeur de cabinet de la ministre du Travail Muriel Pénicaud, a souligné l’émergence d’une nouvelle réalité : « Dans les années 1960, le pouvoir d’achat augmentait en moyenne annuelle de 6 %, et encore de 4 % dans les années 1970. Pour la plupart des actifs, travailler était un gage d’amélioration de leur niveau de vie. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La durée du travail est aujourd’hui la même qu’en 2000, soit environ 1 600 heures par an. Les actifs d’aujourd’hui savent qu’ils devront travailler autant que leurs parents sans vivre mieux qu’eux. Une telle situation interroge naturellement le rapport au travail. »

Pour l’ancien conseiller de Muriel Pénicaud, une telle situation incite beaucoup d’actifs à chercher dans le travail un sens, une façon de mieux concilier vie professionnelle et personnelle. Il reconnaît que cela peut susciter des difficultés, dont une part pourra être aplanie par l’intelligence artificielle qui prendra en charge les tâches à moindre valeur ajoutée et aider les salariés à mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle. « Mais tous les postes de travail ne sont pas télétravaillables », rappelle-t-il.

Vers « l’entreprise-providence » ?

Pour Astrid Panosyan-Bouvet, députée de Paris (Renaissance) et membre de la commission des affaires sociales, le constat ne fait aucun doute : « Les Français ont le sentiment que le travail ne paie plus. Les salaires sont un vrai sujet : il y a des centaines de milliers d’actifs qui sont scotchés au Smic toute leur vie. Le travail doit permettre de se former et de donner des perspectives d’évolution, d’autant plus que certains métiers ne peuvent pas être exercés durant toute la vie active. Sur la pénibilité, nous ne sommes pas allés assez loin durant le débat sur les retraites. »

Une position largement partagée par Alexandre Viros, qui regrette que cette question soit évoquée si tard dans la carrière de la plupart des actifs : « À 55 ans, il est trop tard. C’est à 45 ans qu’il faut effectuer un check-up pour se projeter dans la seconde partie de carrière. » Et le dirigeant d’Adecco de lancer un avertissement : il ne faut pas penser le travail indépendamment de l’entreprise… D’autant moins, au demeurant, que le recul des services fournis par l’État-providence l’amène à s’interroger : « L’entreprise ne devient-elle pas une sorte d’entreprise-providence, investie de responsabilités croissantes : former, protéger et aussi soigner, y compris dans le domaine de la santé mentale ? » Une fausse piste ? Pas pour Sylvain Reymond, directeur général de la communauté Les entreprises s'engagent, qui ne craint pas d’affirmer que l’entreprise est une « microsociété » et que l’engagement des collaborateurs devient un point essentiel : « C’est ce qui permet d’accueillir les apprentis, c’est aussi ce qui va permettre aux seniors de passer de la posture de production à la posture d’accompagnement et de transmission des connaissances. Tout cela passe par l’adoption dans les entreprises d’un « projet de société », désormais possible grâce à la loi Pacte.

À la racine des attentes plus fortes à l’égard des entreprises se trouve un phénomène bien plus massif, estime pour sa part Antoine Foucher, président du cabinet Quintet : « Les attentes vis-à-vis de l’entreprise sont plus fortes parce que le rapport de force entre salariés et recruteurs a changé. L’évolution démographique fait stagner la population active, d’où une pression accrue sur les rémunérations et les conditions de travail. » Soulignant qu’il s’agit là d’un « phénomène durable », l’ancien directeur de cabinet de la ministre du Travail Muriel Pénicaud rappelle aussi que l’attitude des Français vis-à-vis de l’État a aussi évolué : « Ils estiment désormais que l’État a moins de capacités pour changer la situation ou améliorer leur qualité de vie. Assez logiquement, ils se tournent vers l’entreprise pour atteindre ces objectifs. » Sollicitées de toute part, comment vont réagir les entreprises ? Ne seront-elles pas tentées de réclamer de nouveaux allègements fiscaux pour répondre partiellement à ces nouvelles demandes, au risque de susciter de nouvelles demandes de la part des candidats et collaborateurs ?
 

 

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins