Le ministre du Travail, Hubertus Heil, soutenu par le ministre de la Coopération économique et du développement, Gerd Müller, a l'intention de proposer une loi pour responsabiliser les entreprises dans la gestion de leurs chaînes d'approvisionnement et de faire en sorte qu'elles fassent réellement la chasse aux abus et à l'exploitation de la main-d'œuvre. L'objectif pour l'adoption d'une telle loi serait début 2021, a précisé le ministère du Travail. En 2018, la coalition au pouvoir en Allemagne avait déjà envisagé un dispositif législatif en ce sens, si les engagements volontaires de la part des entreprises ne produisaient pas d'effets. Peu nombreux, faibles, les quelques efforts des entreprises ont effectivement déçu. Selon une enquête réalisée auprès de quelque 5500 entreprises de plus de 500 salariés, les engagements volontaires n'ont apporté que peu d'améliorations dans les conditions de travail à l'autre bout du monde. En décembre 2019, seules 18% des entreprises interrogées avaient mis en place un système de surveillance de leurs approvisionnements à l'étranger et de la façon dont ils étaient réalisés. Une deuxième enquête, plus récente, montre que 22% seulement des sociétés ont mis en œuvre de tels dispositifs. D'où la nouvelle initiative du ministère du Travail.
Les débats sur la façon dont enfants et adultes sont exploités dans les usines ou les plantations ne sont pas nouveaux. Il y a 20 ans, l'université de Chicago a lancé un projet de recherche sur l'industrie du cacao en Côte d'Ivoire et au Ghana et la main-d'œuvre enfantine. Selon son dernier rapport, pas moins de 2,2 millions d'enfants dans plusieurs pays, en plus de ces deux leaders de la production, seraient actuellement employés dans les plantations. Un record... «Les Allemands qui achètent une tablette de chocolat à moins d'un euro savent-ils que les cabosses ont été récoltées par des enfants ?», se demande la presse allemande. «Les pays industrialisés externalisent une partie de la production dans les pays en développement sans se préoccuper des normes, a déclaré Gerd Müller, le ministre de la Coopération économique et du Développement. Les normes sociales et environnementales, largement acceptées en Allemagne, sont bafouées ailleurs. Nous ne pouvons accepter cette exploitation d'êtres humains et de la nature dans les pays en développement.»
Le texte de loi qui devrait être proposé exigerait des entreprises de plus de 500 salariés qu'elles s'assurent que leurs activités à l'étranger ne violent pas les droits humains et mettent en place des mesures correctives si c'est le cas. En outre, la loi obligerait les sociétés à publier un rapport annuel sur les mesures prises pour prévenir tout abus. Si plus de 60 sociétés, parmi lesquelles le torréfacteur Tchibo, les géants de l'agroalimentaire Rewe et Nestlé, ainsi que le chocolatier Alfred Ritter, soutiennent le projet et appellent de leurs vœux une directive européenne en la matière, des associations d'entreprises se sont élevées contre, déclarant que les organisations sont déjà sous pression en raison de la crise induite par le coronavirus et qu'il n'était pas possible de les rendre responsables des activités de leurs fournisseurs... Et l'association pour le commerce international a même estimé que cette initiative contrariait la reprise économique...