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Licenciement d’un salarié protégé : sans demande de réintégration, pas de résiliation judiciaire possible

ISRH | Droit du travail | publié le : 16.11.2021 | Olivier Hielle

SOCIAL-JUSTICE-TRAVAIL-PRUDHOMMES

Photo d'illustration.

Crédit photo FRANCOIS GUILLOT / AFP

En janvier 2010, soit moins de trois ans après son intégration, un salarié de la société Soprema, également conseiller prud’homal, saisit la justice pour obtenir une résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur. La société n’attend pas l’issue de cette procédure et licencie pour faute le salarié en avril, après obtention de l’autorisation administrative. Mais trois ans plus tard, le tribunal administratif annule cette autorisation. Cette annulation sera confirmée en appel puis validée par le Conseil d’État.

Mais pendant ce temps, la demande initiale du salarié, celle de la résiliation judiciaire, est toujours en instance. Dans un arrêt rendu le 29 octobre 2021, la cour d’appel de Colmar accède à cette requête : elle prononce la résiliation judiciaire en lui conférant les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur. L’employeur est condamné à verser près de 315 000 euros de dommages et intérêts au salarié, dont 234 000 euros pour la violation de son statut.

Mécontente de cette décision, la société forme un pourvoi en cassation. Premier argument : la cour d’appel ne pouvait pas se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire, car le salarié, licencié sur le fondement d’une autorisation administrative ensuite annulée, n’avait pas demandé sa réintégration. Le deuxième argument concerne plus spécifiquement l’importante indemnité prononcée pour violation du statut protecteur : d’après l’employeur, la cour d’appel ne pouvait la prononcer car le contrat de travail était, du fait de l’absence de demande de réintégration, rompu par l’effet d’un licenciement.

Dans son arrêt rendu le 10 novembre 2021 (n° 20-12.604), la chambre sociale de la Cour de cassation va dans le même sens que l’employeur et casse et annule la décision de la cour d’appel de Colmar. La Haute juridiction juge en effet que "le contrat de travail du salarié protégé, licencié sur le fondement d’une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l’effet du licenciement".

Lorsque l’annulation est définitive, explique la Cour, le salarié a droit à trois types d’indemnités. Il peut d’abord prétendre celle relative à la période écoulée entre le licenciement et l’expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d’annulation (Code du travail, art. L. 2422-4). Il peut ensuite demander le paiement des indemnités de rupture s’il n’en a pas bénéficié au moment du licenciement et s’il remplit les conditions. Enfin, il peut demander l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, si le licenciement est caractérisé comme tel.

Pour la Cour de cassation, ces dispositions "font obstacle à ce que la juridiction prud’homale se prononce sur la demande de résiliation judiciaire formée par le salarié protégé, même si sa saisine est antérieure à la rupture".  

L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Metz.


Cour de cassation, chambre sociale, 10 novembre 2021, n° 20-12.604

Auteur

  • Olivier Hielle