La décision de la Cour de cassation d’aligner le droit français en matière de comptabilisation des arrêts-maladies dans les périodes ouvrant droit aux congés payés suscite des risques pour le coût du travail, contre lesquels la CPME vient de s’élever. Le ministère du Travail étudie les scénarios pour s’adapter à la décision de justice.
C’est un dossier qui vient de tomber sur le bureau d’Olivier Dussopt et dont le ministre du Travail, à l’agenda déjà bien rempli par l’examen du projet de loi « plein-emploi » à l’Assemblée nationale, la décision des partenaires sociaux de s’affranchir des orientations de l’État lors de leur négociation sur une nouvelle convention d’assurance-chômage et la perspective de la future conférence sociale sur les bas salaires qui doit se tenir mi-octobre, se serait bien passé.
La responsable ? La chambre sociale de la Cour de cassation qui, dans une série de décisions rendues le 13 septembre dernier, a retourné le droit du travail français sur les arrêts-maladies, lui intimant l’ordre de se mettre en conformité avec la législation de l’Union européenne sur ce terrain. Dans leurs décisions, les magistrats ont reconnu aux salariés malades ou accidentés le droit aux congés pour leur période d’absence. Et ce, même si l’absence en question n’est pas liée à une maladie professionnelle ou un accident de travail. Soit la mise en conformité du droit français avec le contenu d’une directive de l’Union européenne sur le temps de travail en date de 2003, que les gouvernements français successifs avaient choisi d’ignorer.
À l’origine de cette décision, une action en justice soutenue par trois organisations syndicales qui, depuis, se sont réjouies des décisions de la Cour. « Les salariés auront dorénavant droit aux congés payés en cas d’arrêt de travail […] Un arrêt de travail ce n’est pas du repos ! », se félicitait ainsi sur X (ex-Twitter) Boris Plazzi, secrétaire confédéral de la CGT en charge des salaires, le 26 septembre. Double gain pour les salariés : non seulement le calcul de leurs congés payés ne sera plus limité à la première année de l’arrêt de travail, mais en plus la mesure est rétroactive. En clair : un salarié longtemps arrêté pourra sommer son employeur de lui « restituer » les congés payés « perdus ».
« Incompréhensible et inacceptable » pour la CPME
Autant dire que si les salariés s’en réjouissent, le camp patronal, lui, fait grise mine. Et la CPME a été la première à dégainer. « Des congés payés obtenus sans même travailler : du grand n’importe quoi ! » fustige la confédération des patrons de PME. Outre l’insécurité juridique et financière qui pèse désormais sur la trésorerie des entreprises, la décision des juges reviendrait, selon l’organisation d’employeurs, à remettre en cause le principe d’acquisition des congés payés sur les seules périodes travaillés. Ce qu’elle juge « incompréhensible et inacceptable ».
Casse-tête en vue pour le ministère du Travail. D'autant que le Gouvernement pointait encore récemment du doigt l’envolée des arrêts-maladies… « Le droit français a été télescopé par ces décisions », reconaissait Olivier Dussopt le 26 septembre à l’occasion d’une rencontre avec l’association des journalistes de l’information sociale. Et face au risque juridique pour les entreprises et au surcoût possible pour les caisses d’assurance-maladie, le temps est compté. « Nos services regardent les travaux à réaliser pour estimer les conséquences financières de ces décisions sur le coût du travail », indique le ministre. À ce stade, « aucun scénario » n’a émergé pour accompagner légalement et politiquement les arrêts de la Cour de cassation, mais des rencontres entre le ministère du Travail, Matignon et l’Élysée sont programmées.