Recruter se révèle encore plus difficile pour les TPE. Elles concentrent en effet 40 % des emplois vacants. La solution passe par une amélioration de leurs capacités de recrutement et une meilleure connaissance du marché du travail local.
Les TPE concentrent près de la moitié des emplois vacants (40 %) en 2023. Telle est la conclusion de la dernière étude de la Dares sur l’ensemble du secteur salarié privé1. Le taux de vacances dans les TPE est près de trois fois supérieur à celui des entreprises de plus de 10 salariés. Il atteint 6,3 % contre 2,3 % en moyenne en 2023. Sur l’année 2023, les statistiques compilées par la Dares révèlent que 615.000 emplois sont restés vacants dans le secteur privé. Globalement, le taux d’emplois vacants atteint 3,1 % en moyenne en 2023, après avoir culminé à 3,3 % en 2022.
La répartition par taille d’entreprise fait apparaître que 368.000 relèvent du périmètre des entreprises de 10 salariés et plus, et 247.000 de celles de 1 à 9 salariés. S’il a connu une « hausse tendancielle » depuis le milieu des années 2010, le volume d’emplois vacants a atteint un pic de 660.000 après la crise sanitaire, en 2022, avait de connaître une accalmie en 2023.
Légère baisse
La Dares relève également que la part des entreprises de plus de 10 salariés a augmenté en 2023 : elles représentent 60 % des emplois vacants du secteur privé alors que cette part n’était que de 50 % avant la crise. L’étude note une inflexion positive au premier trimestre 2024 avec une tendance à la baisse : le nombre d’emplois vacants ne serait plus que 535.000.
Si le taux d’emplois vacants des petites entreprises apparaît supérieur à celui des entreprises de 10 salariés et plus dans tous les grands secteurs, les variations peuvent aller du simple au triple. Si l’écart n’est que de 2 points dans le secteur privé de l’enseignement, de la santé humaine et de l’action sociale, il atteint 5,9 points dans l’hébergement-restauration ou l’information-communication.
Dans la construction, les activités immobilières et l'hébergement-restauration, les petites structures concentrent près du tiers des emplois vacants (soit respectivement 59 %, 62 % et 66 % en moyenne en 2023), alors qu’elles ne représentent en moyenne que le tiers des emplois de ces secteurs (soit respectivement 35 %, 34 % et 36 %).
300.000 recrutements échouent
Comment expliquer un tel écart ? Est-il dû à une difficulté à recruter plus importante dans les TPE ? Les réponses des entreprises semblent écarter cette hypothèse puisque la part des recrutements jugés difficiles est très proche : 15 % dans les structures de moins de 10 salariés contre 17 % pour celles comptant des effectifs supérieurs. C’est sur l’aboutissement des recrutements que la différence apparaît nettement. Le taux d’échec est en effet plus important dans les TPE.
Selon Marc-Antoine Estrade, ancien chef du département des synthèses à la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), sur les 21 millions de recrutements lancés chaque année par les entreprises, 300.000 échouent « du fait des coûts de transaction, multiples et souvent sous-estimés, engendrés par le processus de recrutement lui-même »2.
Il estime que 8 à 10 % des processus de recrutement ne sont pas menés à leur terme. Il note que l’absence de formation des candidats n’est pas la cause principale de ces échecs qui se produisent le plus souvent dans les petites entreprises disposant d’une « faible expérience du recrutement » et d'une méconnaissance du marché local du travail.
Un profond « désajustement »
Que penser de l’argument soulignant le manque de compétences des candidats ? Marc-Antoine Estrade souligne à quel point cet argument traduit une « profonde méconnaissance du marché du travail » puisque « moins du tiers des actifs en emploi ont été formés spécifiquement pour la profession qu’ils occupent ». Il ajoute que ce « désajustement » est tout aussi net chez les jeunes diplômés de l’enseignement professionnel. Il estime qu'un tiers seulement des emplois exigent une formation spécifique du fait d’un accès réglementé ou d’une « identité professionnelle » (artisanat).
Marc-Antoine Estrade note que l’Allemagne présente une situation radicalement différente puisque l’adéquation entre formation et occupation professionnelle y est beaucoup plus fréquente (environ 70 % des emplois). Il l’attribue aux normes conventionnelles négociées au niveau de la branche. Elles rendent en effet obligatoire la possession d’un diplôme pour accéder à des nombreuses professions.
Les TPE se distinguent des entreprises plus grandes par la nature des emplois vacants. Alors qu’il s’agit dans 37 % des cas de postes nouveaux parmi elles, ce taux n’est que de 27 % parmi les structures de 10 salariés ou plus. Inversement, les emplois vacants correspondent moins à des postes inoccupés parmi les TPE (38 %) que dans les plus grandes (50 %).
(1) Étude de la Dares publiée en mai 2024 : Des taux d’emplois vacants plus élevés dans les très petites entreprises
(2) Article de Marc-Antoine Estrade, dans Regards croisés sur l'économie, publié en 2013 : Les emplois non pourvus : mythes et réalités