Sitôt approuvée, sitôt promulguée. Publiée au Journal officiel, la réforme des retraites est désormais en vigueur. Pour autant, comme l’espère l’exécutif, tout est-il joué ? Ne reste-t-il plus qu’à passer aux sujets suivants ? Rien n’est moins sûr. L’intersyndicale avait demandé au président de la République de ne pas promulguer la loi. Au demeurant, le locataire de l’Élysée disposait de quinze jours pour la promulguer. Une durée suffisante pour proposer une rencontre avec les membres de l’intersyndicale et poser sur la table des pistes pour lancer des chantiers connexes de nature à atténuer certains effets de la réforme. La stratégie inverse a été choisie, afin sans doute de clore au plus vite cette séquence et enclencher les suivantes. Animée des mêmes intentions, la Première ministre a assuré qu’il n’y a « ni vainqueur ni vaincu », rappelant que la décision du Conseil constitutionnel marquait « la fin du cheminement institutionnel et démocratique ».

La réponse des opposants ne s’est pas fait attendre. Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, s’est montré le plus offensif, estimant que l’attitude du président de la République était empreinte de « mépris » et que sa décision manifestait une « déconnexion ». Une opposition aussi résolue est à mettre en parallèle avec l’accueil qu’avait initialement réservé la centrale réformiste au projet présenté par Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle. Laurent Berger déclare tout de go : « Ce n’est pas fini. » Sophie Binet, la nouvelle secrétaire générale de la CGT, confirme que « la bataille continue ». L’intersyndicale compte sur une mobilisation massive lors des manifestations du 1^er mai et va, selon toute vraisemblance, poursuivre ses initiatives en s’appuyant sur le rejet massif de la réforme de la part des actifs, mais aussi d’une majorité de la population.

Désormais se profile le risque d’un blocage des relations entre l’exécutif et les syndicats. Il n’est pas exclu par ailleurs qu’elles connaissent une dégradation encore plus poussée. Dès lors, comment ne pas s’interroger sur la qualité future du dialogue social existant encore dans les branches et dans les entreprises ? Les tensions générées par cette séquence vont-elles rejaillir dans ces espaces d’échanges déjà traversés de fortes tensions dues à des revalorisations salariales toujours inférieures à la progression de l’inflation, mais aussi des conditions de travail souvent dégradées ? Le blocage et les tensions persistantes du dialogue social vont-elles se diffuser à l’ensemble des secteurs de l’économie en suivant des fortunes diverses ? Une telle évolution rendrait encore plus hypothétique l’ouverture de nouveaux chantiers au niveau national, ouvrant du même coup une période de forte incertitude, alors même que de grandes échéances approchent, en particulier les JO de 2024.