Le premier cycle de la concertation sur la réforme des retraites vient de s’ouvrir autour de la question de l’emploi des seniors et de la lutte contre l’usure professionnelle. Le Gouvernement caresse l’idée de transformer le C2P, aujourd’hui massivement utilisé pour des retraites anticipées, en outil de reconversion professionnelle longue et qualifiante.
Concertation sur la réforme des retraites, premier round. Avec, en guise d’entrée dans le dur, pour le ministère du Travail et ses interlocuteurs (Medef, CPME, U2P, FNSEA, CFDT, FO, CFE-CGC, Unsa, FSU et CFTC, mais toujours pas la CGT, qui persiste à jouer la chaise vide en protestation contre les réquisitions dans les raffineries en grève), la question de l’emploi des seniors et de la lutte contre l’usure professionnelle. Un sujet dont découle directement la faisabilité d’un décalage de l’âge du départ à la retraite et sur lequel la France constitue largement l’un des outsiders européens. « Avec les organisations syndicales et patronales, nous partageons le constat que le taux d’emploi des seniors est l’un des plus faibles d’Europe », indique-t-on dans l’entourage d’Olivier Dussopt. Les chiffres sont parlants: 35,5% des Français de 60 à 64 ans sont en emploi, contre 45% dans l’UE... Et 60% en Allemagne. Le seuil des 59 ans correspond toujours au pic de rupture des contrats de travail, les employeurs profitant de la possibilité pour les seniors de bénéficier des allocations chômage jusqu’à la date de leur entrée dans la retraite pour se débarrasser de leurs salariés âgés.
Le maintien des seniors dans l’emploi constitue donc un important sujet de brainstorming pour les organisations amenées à plancher sur cette question jusqu’à la mi-décembre. Si le Medef n’écarte pas l’hypothèse d’une modulation des cotisations patronales sur les salaires des plus âgés pour inciter les employeurs à l’embauche, le Gouvernement, quant à lui, miserait plutôt sur une possible réorganisation du compte personnel de prévention (C2P), ce dispositif de gestion des carrières mis en place en 2015 sous le mandat de François Hollande et remanié en 2017 sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. À l’origine, cet outil statistique et RH devait permettre d’identifier dix – six après sa révision en 2017 – critères de pénibilité auxquels pouvaient être soumis les travailleurs (comme l’exposition au bruit, le port de charges lourdes ou le travail en milieu hyperbare) et les convertissait en « points » permettant, au choix, le rachat de trimestres pour partir en retraite deux ans plus tôt, l’investissement dans des achats de formation en vue d’une reconversion ou l’aménagement d’un temps partiel dans l’entreprise.
Las. Sept ans après, la cible est manquée. Sur les 1,8 million de salariés titulaires d’un tel compte, seuls 12.000 l’avaient utilisé fin 2021, et pour 80% en vue d’une retraite anticipée. « Il n’est quasiment pas utilisé pour la formation, et son usage pour une conversion en temps partiel reste très confidentiel », confesse le ministère du Travail. De quoi imaginer un potentiel remaniement de cet outil pour en faire un objet de seconde partie de carrière et sa transformation progressive en « droit spécifique à la reconversion ». Une mutation qui, parmi les différents scénarios sur la table, pourrait s’articuler avec d’autres dispositions comme la recommandation systématique d’un recours au bilan de compétences ou au conseil en évolution professionnelle (CEP) lors de l’entretien de seconde partie de carrière. « C’est une hypothèse qui avait déjà été avancée lors du précédent projet de réforme des retraites », avance-t-on dans les équipes du ministre du Travail. À l’époque, il avait déjà pu être question de transformer le dispositif pour permettre à ses bénéficiaires de le mobiliser au service de reconversions longues et qualifiantes. Le projet semble de nouveau sur la table: à voir si les partenaires sociaux s’y engageront.