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Retraites : stop ou encore ?

Protection Sociale | publié le : 13.06.2021 | Jean-Claude Mailly

Ancien numéro un de Force Ouvrière et bloc-notiste à Liaisons sociales magazine, Jean-Claude Mailly commente le retour sur le devant de la scène du projet de réforme du système de retraites par répartition.

Une petite musique, pouvant apparaître comme une rengaine, refait surface concernant la réforme des retraites. A l’origine une formule : « un euro cotisé donne les mêmes droits » qui s’avéra finalement être un slogan dont la mise en œuvre ouvrait une boîte de Pandore. Les réactions de tous côtés et la crise sanitaire auront eu raison du dossier qui, parti d’une réforme dite systémique, débouchait également sur une réforme paramétrique ou financière. A l’initiative du Président de la Pépublique le dossier refait surface. Au-delà du contenu de cette énième versio, il convient de comprendre pourquoi un tel entêtement ? Trois raisons peuvent l’expliquer.

La première est que cette réforme a été présentée par l’exécutif comme la mère de toutes les réformes et qu’il ne faut donc pas y renoncer même si le contexte économique, social et psychologique du pays est quelque peu chamboulé avec la pandémie et que l’on peut légitimement considérer que d’autres urgences s’imposent. La seconde est que le gouvernement, dans le programme transmis à Bruxelles, s’est engagé à mener des réformes structurelles dont les retraites et l’assurance chômage. La troisième est une volonté de l’exécutif d’étatiser ce qu’il reste du paritarisme ou de la gestion par les intéressés eux- mêmes des droits et structures qu’ils ont créés. Un peu comme si la perte de pouvoir en matière monétaire et budgétaire les conduisait à jeter leur dévolu sur le champ social. Au-delà du fait que l’on peut douter que l’Etat soit meilleur gestionnaire, cette logique percute un facteur clef de la démocratie sociale, de l’engagement et de la responsabilité. A n’en pas douter celles et ceux qui en pâtiront seront les cotisants et les assurés concernés, leurs droits étant soumis à un cocktail de néolibéralisme et d’autoritarisme social. Rien n’indique en effet qu’au niveau européen les traités soient réformés.

Ce n’est pas un hasard si un projet de loi organique, non encore définitivement voté, prévoit d’intégrer les retraites complémentaires dans le PLFSS. Ce n’est pas un hasard non plus si le recouvrement des cotisations de tous les régimes de retraite complémentaires doit être transféré à la banque de la sécurité sociale (L’ACOSS), étape supplémentaire d’étatisation. Avec comme objectif à terme un point unique, France recouvrement, pour les structures de protection sociale, les impôts et la douane. Imagine-t-on cette tour de Babel victime d’une cyberattaque et les conséquences ? Mais surtout l’exécutif n’a pas tiré les conclusions de l’intégration du RSI (régime social des indépendants) dans le régime général et les multiples bugs rencontrés. C’est d’ailleurs là l’un des défauts français : on n’évalue guère et on sédimente les textes et les erreurs. Et surtout, en transférant le recouvrement des cotisations des retraites complémentaires à l’Acoss, on risque un accident industriel. En effet d’un côté on travaille en maille individuelle (on sait ce qu’un individu verse et les droits qu’il constitue) de l’autre, avec l’Acoss, c’est la maille collective (on sait ce qu’une entreprise verse). Toutes les complémentaires sont contre et alertent ainsi que les experts comptables et les fournisseurs de logiciels. La sagesse ainsi que le choix des priorités devraient s’imposer. Mais rien n’est moins sûr. On ne peut pas avoir raison tout seul et l’idéologie peut rencontrer de gros obstacles. Toute réforme doit recouvrer un large consentement et cela passe par l’écoute, la concertation, la négociation, en un mot la démocratie. 

 

Auteur

  • Jean-Claude Mailly