Première vraie prise de bec entre patronat et syndicats lors de la négo assurance-chômage. Si le patronat propose un recul de l’accès aux durées maximales d’indemnisation des chômeurs les plus âgés, les syndicats estiment que le sujet aurait davantage sa place dans la future négociation sur l’emploi des seniors.
L’entente cordiale n’aura pas duré. Si les trois premières séances de la négociation paritaire de la future convention d’assurance-chômage ont vu les partenaires sociaux faire front uni contre le cadrage budgétaire dans lequel le Gouvernement entendait circonscrire leurs débats, la réunion du 3 octobre a vu l’unanimité jusqu’alors affichée voler en éclats. À la source de ce premier clash se trouve la question des conséquences financières du recul de l’âge de la retraite sur la situation financière de l’Unédic. Un sujet que le patronat, qui tient le stylo, souhaite aborder dans le cadre des discussions sur l’assurance-chômage et que les syndicats, de leur côté, entendent renvoyer à la future négociation sur l’emploi des seniors. « Notre position, c’est : ‘’pas touche pour l’instant’’ alors que l’on attend la conférence sociale au milieu du mois et qu’il y a une négociation plus appropriée prévue à l’agenda ! » lance Jean-François Foucard, le négociateur CFE-CGC.
270 millions d'économies, 150 000 chômeurs amputés de leurs droits
Le sujet est sensible. Car en reculant l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, le Gouvernement a ouvert la porte à un report de toutes les bornes d’âge qui existaient jusqu’alors. Et c’est le principal levier que la partie patronale entend activer, non seulement pour inciter les salariés seniors au chômage au retour rapide à l’emploi, mais aussi pour permettre au régime d’assurance-chômage de réaliser des économies à l’heure où l’État a prévu, dans son projet de loi de finances pour 2024, de le ponctionner de deux milliards dès cette année afin de financer ses politiques de l’emploi et le lancement du futur opérateur France Travail.
Dans ses hypothèses de travail, le Medef, soutenu par ses deux alliés de la CPME et de l’U2P, propose de reculer l’âge d’accès aux durées maximales d’indemnisation des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi pour les faire coller avec l’augmentation de la durée d’activité. En clair, là où, aujourd’hui, un chômeur de 53 ou 54 ans peut prétendre à une durée d’indemnisation de 22,5 mois, il devra, demain, atteindre 55 ou 56 ans pour y être éligible. Idem pour les 30 mois d’indemnisation, dont bénéficient les demandeurs d’emploi ayant franchi l’âge de 57 ans, qui ne seraient plus accessibles qu’à 59 ans si ce scénario était retenu. Cette mesure, qui permettrait d’économiser 270 millions au régime, a cependant un coût social chiffré par l’Unédic : 150 000 chômeurs qui se retrouveraient sur le carreau, privés de droit par ce recul de l’âge.
En finir avec le « délestage » des seniors sur l'assurance-chômage
Aux yeux du patronat, le système présenterait cependant une vertu, déjà soulignée par l’Institut Montaigne l’an dernier, celui d’inciter les entreprises à en finir avec les plans de départs volontaires permettant aux salariés seniors de partir avant terme… Charge à l’Unédic de prendre en charge leur rémunération jusqu’à l’âge du départ à la retraite ! « Il n’est plus question que les grandes boîtes se délestent de leurs salariés âgés sur la collectivité dès qu’elles n’en ont plus besoin », prévenait le négociateur U2P Michel Picon à la veille de la négo. Balle reprise au bond par le Medef, mais grincements de dents côté syndical où l’on rappelle que cette pratique vient d’abord et avant tout des entreprises elles-mêmes…
À cela s’ajoutent les autres mesures d’économies que le patronat a amenées dans sa besace : décalage à 59 ans de l’âge de la dégressivité de 30 % des allocations-chômage après six mois d’indemnisation (contre 57 ans aujourd’hui), qui pourrait permettre de rogner 50 millions d’euros ; recul à 64 ans – contre 62 aujourd’hui – de l’âge de maintien des indemnités des demandeurs d’emploi seniors jusqu’à leur départ effectif à 67 ans (130 millions) ; prolongation de l’allocation à 100 % pour les seniors en formation ; décalage des bornes d’âge du cumul avec un avantage vieillesse ; baisse du taux de retenue du cumul emploi-retraite de 70 à 50 % ou baisse de 0,5% de la contribution patronale différenciée pour les seniors. Des mesures qui, si elles venaient à se cumuler, pourraient permettre au régime de conserver 1,5 milliard en caisse. À condition que les syndicats veuillent en entendre parler alors qu’ils se préparent déjà à ferrailler lors de la prochaine séance prévue le jeudi 12 octobre sur des sujets brûlants comme les saisonniers, les jeunes ou les intérimaires, soit les populations les plus touchées par la dernière réforme de l’assurance-chômage…