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Pass sanitaire : la FCD demande le « retrait pur et simple » (Jacques Creyssel)

Homepage | publié le : 21.07.2021 | Gilmar Sequeira Martins

Jacques Creyssel, délégué général de la fédération du commerce et de la distribution (FCD), demande le « retrait pur et simple » des dispositions relatives au Pass sanitaire, mettant en avant la faiblesse des fondements juridiques de la mesure mais aussi les difficultés pratiques de son application.


Quelle appréciation portez-vous sur la situation ?

Jacques Creyssel : Concernant la mesure visant à rendre obligatoire le Pass sanitaire pour accéder aux plus grands centres commerciaux, le  Conseil d’État a confirmé dans son avis du 19 juillet les fortes réserves que nous avions d’ores et déjà indiqué aux pouvoirs publics. Il a soulevé plusieurs motifs d’inconstitutionnalité très clairs en indiquant que cette disposition n’avait pas d’intérêt significatif sur le plan sanitaire ; qu’elle portait une atteinte disproportionnée aux libertés des personnes non-vaccinées, notamment pour l’accès aux biens essentiels ; et qu’elle portait aussi atteinte au principe d’égalité puisque différents traitements juridiques seront appliqués aux commerces et à leurs salariés selon la taille des centres commerciaux dans lesquels ils sont implantés. Cela nous conduit à demander le retrait pur et simple de cette disposition.

 
Le gouvernement a pourtant précisé qu’il restait possible de faire ses courses ailleurs ?

J. C. : La notion de bassin de vie, qui doit permettre de définir les centres commerciaux qui seront soumis à l’obligation de la présentation du Pass, est infondée en droit. Elle se présente de façon très différente selon l’âge, les capacités de mobilité ou l’état de santé des personnes. Et cela ne répond pas aux autres problématiques constitutionnelles qu’a soulevées le Conseil d’État, ni aux difficultés pratiques de la mise en œuvre de cette mesure.
 
Quelles difficultés pratiques poserait l’application de ces dispositions si elles devaient rester en l’état ?

J. C. : La première difficulté porte sur le champ d’application. La surface des centres commerciaux qui seront concernés n’est toujours pas claire. Nous souhaitons que ce seuil soit porté au minimum à 20 000 m², en ne comptabilisant que les surfaces de vente, afin que ne soient concernés que les très grands centres commerciaux.  La seconde difficulté porte sur la réalisation concrète des contrôles. Nous souhaitons que ne soient vérifiés que les QR codes et pas les pièces d’identité. Les gestionnaires de grands centres commerciaux indiquent en effet que le contrôle de ces deux éléments provoquerait d’immenses queues à l’entrée de leurs établissements. Cela serait quasiment impossible à gérer. S’agissant des pièces d’identité, nous proposons que soit plutôt mis en place un contrôle aléatoire. La troisième difficulté porte sur la sécurité des personnes. La gestion des queues provoquées par le contrôle du Pass sanitaire sera compliquée, d’autant plus que certaines personnes ne possédant pas le Pass voudront peut-être forcer le passage en faisant valoir leur droit à accéder à ces espaces. Nous avons clairement signifié au ministre de l’Economie Bruno Le Maire que nous aurions besoin du concours des forces de l’ordre pour gérer ces situations. Une quatrième difficulté réside dans les besoins en vigiles. Il en faudra beaucoup plus qu’actuellement pour procéder à tous ces contrôles. Les centres commerciaux ont calculé qu’il faudra recruter 5 000 vigiles supplémentaires, ce qui pose un évident problème de recrutement. Nous sommes quasiment en août. Comment recruter autant de personnes formées et à qui s’appliquera aussi l’obligation d’être vaccinées ?Tout ceci aura un impact économique, dont nous avons demandé la compensation intégrale par l’État.
 
L’application des mesures aux salariés ne sera-t-elle pas aussi très complexe ?

J. C. : L’obligation de détenir le Pass s’appliquera aux salariés des enseignes, mais aussi à ceux agissant pour des prestataires, et à ceux en mission d’intérim et aux CDD, très nombreux pendant la période estivale, notamment dans les zones côtières. Le gouvernement a accepté de reporter l’application de ces mesures au 30 août mais ce sera insuffisant puisque cela implique que toutes les personnes concernées puissent avoir une première injection du vaccin avant le 1er août. Or certains salariés sont en vacances et les entreprises n’ont pas le droit de savoir qui est vacciné ou ne l’est pas. Sans oublier que les délais pour obtenir un rendez-vous pour se faire vacciner sont importants. Nous demandons par conséquent le renvoi au 15 septembre de l’application de cette obligation pour les salariés.
 
Quelle est votre position relativement à la possibilité d’un licenciement au bout de deux mois des salariés ne se conformant pas aux exigences de vaccination ?

J. C. : Nous ne nous plaçons pas dans cette perspective. Cette disposition implique une gestion du personnel très complexe et des coûts potentiels importants. Elle implique aussi un risque juridique ultérieur, de requalification par exemple, ce qui entraînera des coûts supplémentaires. Il y aura peut-être des salariés qui refuseront de se faire vacciner, avec le risque de les voir quitter l’entreprise. C’est d’autant moins souhaitable dans une période marquée par des difficultés de recrutement. Sans oublier que les salariés d’une même entreprise, travaillant dans différents établissements parfois situés dans la même ville, se verront appliquer des régimes juridiques différents. Cela pourra également poser un problème vis-à-vis des représentants du personnel, qui disposent aujourd’hui de la liberté de circuler entre établissements. Nous avons évoqué mardi 19 juillet ces difficultés avec la directrice du cabinet de la ministre du Travail Elisabeth Borne et Pierre Ramain, le directeur général du Travail. Ils nous ont promis des réponses rapidement.

Propos recueillis par Gilmar Sequeira Martins
 

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins