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"Le chèque bureau, un nouveau droit social, écologique et territorial" (Patrick Lévy-Waitz)

Organisation du travail | publié le : 28.06.2021 | Benjamin d'Alguerre

Dans une tribune signée par une trentaine de personnalités du monde politique, associatif ou de l’entreprise, la fondation Travailler Autrement présidée par Patrick Lévy-Waitz, propose la création d’un dispositif de « chèque bureau » permettant à des salariés d’accéder à des tiers-lieux faciliter le télétravail. 

Quelle est la genèse de l’idée de « chèque bureau » que défend Travailler Autrement ?

Patrick Lévy-Waitz : La fondation travaille sur des sujets concrets dans une vision prospective et s’est donné pour mission d’obtenir des résultats concrets pour tous les citoyens. Cette idée de chèque-bureau part du constat que nous avons définitivement changé d’époque. Les transformations de la société se sont accélérées pendant la crise sanitaire et la problématique du télétravail s’est imposée comme un enjeu majeur pour les entreprises et les salariés. Plébiscité par les salariés qui pouvaient travailler à distance et apprivoisé par les managers, le travail à distance va se démocratiser dans les activités tertiaires et un retour général au 100 % présentiel me paraît peu vraisemblable. Cependant, les séquences de confinement ont aussi montré que le tout télétravail était synonyme d’isolement et de risques psychosociaux. Il n’est pas question de reproduire ce modèle dégradé que nous avons connu durant la pandémie où le télétravail a pu devenir une source de souffrance à cause de la présence des enfants ou de l’exiguïté des domiciles, par exemple. Le chèque bureau n’a pas vocation à encourager le télétravail depuis chez soi dans de mauvaises conditions comme cela a pu être le cas pendant l’année 2020 et le début de l’année 2021, mais de permettre aux télétravailleurs de louer des espaces dans des tiers-lieux où il leur sera possible de travailler à distance, mais dans le cadre de collectifs de travail afin de ne pas subir l’isolement.

Comment serait financé ce chèque bureau ?

P. L-W. : Chaque crise voit naître de nouveaux droits sociaux. Les gains que pourrait engendrer le chèque bureau vont bien au-delà du seul confort des salariés. Il peut s’agir d’un moyen pour les entreprises de réaliser des économies en réduisant leur nombre de mètres carrés de bureau. Pour les régions, il peut devenir un outil de revitalisation territoriale en permettant à des travailleurs de quitter les grandes agglomérations tout en conservant leur emploi. Il porte aussi une dimension écologique puisqu’il peut contribuer à réduire les trajets en voiture. C’est un projet sociétal complet. C’est pourquoi nous avons imaginé un financement tripartite entre État, régions et entreprises. Du moins au départ. Une fois qu’il sera entré en service, on pourrait imaginer un désengagement progressif de l’État et des collectivités régionales pour une prise en charge par les seules entreprises qui compenseraient ce coût par des économies réalisées sur leurs dépenses immobilières. En revanche, il n’est pas question que les salariés puissent être associés à son financement, comme c’est par exemple le cas pour les titres-restaurants. Cela reviendrait à les faire payer pour travailler, ce qui tuerait le dispositif dans l’œuf.

Les organisations patronales ne risquent-elles pas de lui opposer une fin de non-recevoir si elles doivent financer ce dispositif ?

P. L-W. : Dans notre esprit, le chèque bureau a vocation à se déployer dans le cadre de la négociation collective. Outre les syndicats signataires (Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la CFDT, Laurent Escure, secrétaire général de l’UNSA, Jean-Claude Mailly, ancien secrétaire général de Force ouvrière), le projet est soutenu par plusieurs personnalités venues des directions d’entreprises (Véronique Bedague, directrice générale de Nexity, Louis Gallois, ancien patron de Safran, d’Airbus et de la SNCF, Myriam El Khomri, ancienne ministre du Travail et directrice du pôle conseil de Siaci Saint-Honoré…) et par des collectifs d’entrepreneurs (Bouge Ta Boîte, Entrepreneurs d’Avenir…). Nous n’avons pas encore sollicité des organisations patronales, nous voulons d’abord engager une dynamique qui embarquera un maximum de monde ! Il n’est pas question d’imposer le tout télétravail, ce serait absurde, mais de trouver la bonne articulation par la voie du dialogue social.

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre