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"Le sentiment de justice diffère d’un salarié à l’autre"

Liaisons Sociales Magazine | Management | publié le : 11.03.2016 | Anne-Cécile Geoffroy

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Co-auteure d'une étude internationale*, la chercheuse s'est penchée sur la perception de la justice lors des entretiens d'évaluation. Elle en explique les enjeux pour les entreprises.

Avec deux confrères, vous avez étudié la perception de la justice chez les salariés lors des entretiens d'évaluation. Quel était votre objectif ?

Nous voulions travailler sur le sentiment de justice dans l'entreprise et avons cherché une situation de travail type, permettant des comparaisons. L’entretien annuel d’évaluation répond à ces exigences. Il est toujours un moment important pour les salariés dans la relation de travail, leur rapport à l’entreprise et provoque souvent un sentiment d’insécurité. Nous cherchions en particulier à éclairer trois questions laissées sans réponse. Est-ce que les salariés apprécient différemment une situation juste ou injuste ? Le sentiment de justice est-il stable ? Les salariés sont-ils clairvoyants et perspicaces quant aux critères de justice qu’ils disent utiliser ? Pour répondre à ces trois questions, nous avons demandé à 49 employés d’évaluer l’équité de 56 évaluations de la performance réalisées dans leur propre entreprise.

Quels critères avez-vous utilisés ?

Nous en avons retenus dix porteurs d’un sentiment de justice. Par exemple, l’entretien reflète-t-il les efforts que vous avez déployés dans votre travail et la qualité de ce travail ? Avez-vous pu exprimer votre point de vue ? Avez-vous été traité avec respect et dignité ? Avez-vous subi des remarques inappropriées, pertinentes ? Avez-vous reçu dans un temps raisonnable une information concernant votre appréciation ? Etes-vous satisfait des résultats ?

Le sentiment de justice diffère-t-il d’un salarié à l'autre ?

Oui, grandement ! C’est la mauvaise nouvelle de cette étude pour les managers car cela complique leur travail. Les collaborateurs n'ont pas tous les mêmes priorités et les encadrants ne peuvent se baser sur un petit nombre de critères qui seraient les plus importants aux yeux de tous. L’autre difficulté que nous avons pu révéler, c’est que les salariés n’ont pas toujours conscience des critères de justice ou d’injustice qu’ils utilisent vraiment. Concrètement, il y a souvent une différence entre la façon dont ils classent les critères et la façon dont ils les utilisent. Cela signifie que même si l'employeur demandait à ses employés quels sont leurs critères de justice, il ne pourrait pas s'y fier.

Sur quoi les entreprises peuvent-elles s’appuyer ?

Nous avons mis en évidence que les critères de jugement des salariés sont en revanche très stables dans le temps. S’ils ont utilisé certains critères pour juger une situation à un moment donné, il est très probable qu'ils utilisent les mêmes critères pour juger des situations similaires plus tard. Ce dernier point est donc très rassurant pour les managers. S'ils connaissent bien leurs collaborateurs et les ressorts de leur motivation, ils peuvent agir en conséquence et réussir à ce qu'ils se sentent évalués d'une manière juste. L'enjeu est majeur : quand les salariés s'estiment traités de manière juste, ils font davantage confiance à l'organisation, ont un niveau de stress inférieur et travaillent davantage.

* "Justice judgements : individual self-insight and between- and within-person consistency", publiée par la revue Academy of management discoveries. Auteurs : Hayley German, London School of Economics and Political Science, Marion Fortin, Université de Toulouse Capitole, Daniel Read, University of Warwick.

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy