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« L’injonction à la mobilité produit des inégalités »

Entreprise & Carrières | Management | publié le : 27.03.2015 | Violette Queuniet

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Tous les cadres ne sont pas égaux face à la mobilité, en dépit des règles établies par les entreprises. L’injonction à la mobilité fabrique aussi un clivage entre cadres mobiles et non mobiles et conduit à la déstabilisation des organisations, constate cette professsure de Paris Ouest-Nanterre-La Défense, spécialisée dans la sociologie des organisations.

E & C : Fortement valorisée, la mobilité des cadres s’est aujourd’hui formalisée dans les dispositifs RH. Avec quelles conséquences ?

Valérie Boussard : La mobilité en soi n’est pas une nouveauté. Des règles informelles organisaient les emplois et les carrières avant ces dispositifs. Ce qui change, avec l’instauration de règles formelles, c’est que la mobilité devient une norme, un repère, un idéal qui s’impose à tous et que chacun doit atteindre. Avant, elle était sélective. À partir du moment où elle s’impose à tous, chacun pense qu’il suffit de suivre les règles telles qu’elles sont décrites dans les dispositifs. Or, dans les faits, ces critères n’ont pas à être remplis de façon rigide pour progresser et faire carrière. Il devient donc beaucoup plus difficile de faire la part des choses entre ces règles formelles et les règles officieuses.

Car toutes les mobilités ne se valent pas, certaines étant plus avantageuses que d’autres. Seuls ceux qui savent finement en apprécier la rentabilité sont capables de décoder le système, alors que les autres vont tomber dans le piège de ces mobilités qui paraissent équivalentes.


Vous évoquez trois grands types de positionnement. Quels sont-ils ?
Le premier type de rapport à la mobilité, je l’appelle « la chance construite ». Les cadres expliquent leur carrière comme le résultat de la chance : on leur a proposé un poste au bon moment, au bon endroit. Mais à l’analyse, on s’aperçoit qu’ils ont une très bonne connaissance du système informel de la mobilité, qu’ils ont développé des réseaux dans l’entreprise et que ce qu’ils appellent la chance est le résultat d’une stratégie, puisqu’ils se voient proposer les postes les plus intéressants et les plus rentables. Ce sont aussi les personnes dont le modèle conjugal leur permet de saisir immédiatement les propositions.

On rencontre, dans ce profil, surtout des hommes qui sont dans un modèle conjugal de type bourgeois, avec des femmes qui envisagent de ne pas travailler pour être au service de la carrière du mari et de la vie familiale. On rencontre aussi des femmes, mais qui sont plutôt dans une situation de célibat ou avec un conjoint qui n’a plus d’enjeux de carrière – retraité, au chômage…

La deuxième configuration est celle d’un rapport à la mobilité instable et réversible. Cette fois, on trouve des cadres

Auteur

  • Violette Queuniet