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« Le management coréen : efficace collectivement, destructeur pour les individus »

Entreprise & Carrières | Management | publié le : 17.04.2015 | Frédéric Brillet

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Une hiérarchie que le salarié coréen ne remet jamais en cause ; une organisation du travail rigide ; un stress entretenu… autant d’ingrédients qui engendrent une certaine performance mais qui détruisent les personnes, a constaté l'ancien président de la filiale France et Bénélux de LG, dans son livre Ils sont fous ces Coréens!

E & C : Qu’est-ce qui caractérise le management à la coréenne, au point que vous ayez eu envie d’en faire un livre* ?

Éric Surdej : Le découpage des gestes, la stricte estimation des temps et des coûts, la fixation d’objectifs précis à atteindre et, à l’arrivée, une sanction implacable : quel que soit l’objet industriel ou l’objectif concerné, la démarche reste la même. Ce modèle mise sur le sens de l’honneur et de l’exemplarité, le respect de l’engagement et, surtout, la volonté de se surpasser jusqu’à l’épuisement.

À mon arrivée en 2002 à LG France, par exemple, de grands panneaux affichés dans les couloirs promettaient qu’en 2010, l’entreprise serait dans le Top 3. Une telle ambition pouvait prêter à sourire pour une marque aussi marginale sur le marché national. Il n’empêche qu’en 2010, nous avions atteint la majorité des objectifs. Entre-temps, LG France avait recruté 600 personnes supplémentaires et l’effectif y est monté jusqu’à un petit millier de salariés, dont certains avaient des fonctions européennes avec une localisation à Paris. Cette percée m’a valu, en 2007, d’être le premier Français, et surtout non-Coréen, au monde à intégrer le club très fermé des 400 cadres dirigeants du groupe. Pour les cadres français ou expatriés, cela signifiait souvent travailler quinze heures par jour. On m’avait surnommé le “Half Corean”, ça n’était pas une formule innocente. Il est vrai que, dans ce pays, on est évalué en permanence sous toutes les coutures…

À l’école comme en entreprise, tout est mesuré, noté et fait l’objet d’un classement et d’un reporting. Devenu président de la filiale française, j’avais une vingtaine d’objectifs majeurs à respecter sur des critères classiques comme la progression du chiffre d’affaires et de la marge. Mais j’étais aussi censé, tous les matins, rassembler à l’extérieur des bâtiments la majorité du personnel afin de lui faire entonner l’hymne LG. Je trouvais cela totalement inadapté à la vie professionnelle française et je l’ai refusé. Mon directeur général coréen l’a donc signalé et cela a impacté négativement ma note. Ce reporting confine parfois à la délation. Une messagerie dédiée sur le site intranet permettait à chacun de formuler ses remarques en tout genre sur un collègue, un supérieur, un subordonné. Tous les messages étaient examinés en haut lieu, avec comme seul souci la bonne marche de l’entreprise.

Quelle conséquence l’évaluation a-t-elle sur le rythme de travail ?
Cette culture du résultat engendre l’obsession du “pali pali” – “plus vite, plus vite”. La pression sur les dirigeants est telle qu’elle agit comme un pignon qui entraîne toute la chaîne. Chacun court après des objectifs qu’un autre supérieur lui a fixés, lequel doit lui-même obtenir des résultats qui lui ont été imposés. Donc, pas de perte de temps

Auteur

  • Frédéric Brillet