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La gestion des talents à la française : réservée à l'élite.

Entreprise & Carrières | Management | publié le : 16.03.2015 | Laurent Gérard

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Le baromètre ANDRH-Fefaur-Cornerstone l'atteste : malgré le discours général sur la gestion des talents, la pratique en France reste réservée à certains hauts potentiels. Une approche plus restreinte que dans les entreprises anglo-saxones.

L’importance de garder et d’enrichir les talents des salariés semble une évidence pour les entreprises françaises, puisque 71 % des 400 DRH interrogés pour le baromètre ANDRH-Féfaur-Corner­stone OnDemand, présenté le 12 mars, considèrent « la gestion des talents comme critique pour le succès de l’entreprise », alors qu’ils n’étaient que 63 % à le penser en 2013. Et cette gestion des talents vitale doit se traduire par de meilleurs « engagements des salariés » (58 % contre 48 % en 2013), l’« adéquation des compétences aux besoins futurs de l’entreprise » (57 %) et l’« adéquation des compétences aux exigences du poste » (40 %).


Aussi, une large majorité des entreprises interrogées (60 %) mènent une politique de gestion des talents et 57 % d’entre elles depuis trois ans et plus. Pour Aurore Battaglia, en charge de cette question chez le distributeur de papiers et d’emballages Antalis, qui témoignait le 12 mars, « la réflexion est intéressante, car elle permet d’arrêter de gérer les ressources humaines en silos et d’aligner les pratiques. C’est une révolution menée depuis deux ans avec notre nouveau DRH, et environ 40 % de nos processus RH sont harmonisés à ce jour. Trois à quatre ans de travail seront encore nécessaires pour mener à bien le processus dans les 44 pays où Antalis est présent ».

Une analyse que partage Sophia Djouadi, responsable de cette politique chez Ceva Animal : « La gestion des talents permet de conceptualiser ce qu’on savait déjà, et de remettre l’essentiel au cœur des débats managériaux : c’est une dynamique de transformation. »

Partir de la stratégie. Pour sa part, Frédéric Oger, en charge du dossier chez Altran, confirme qu’une « politique de gestion des talents doit toujours partir de la stratégie et du business. Attirer et retenir les talents implique de revoir le fonctionnement RH, de standardiser et d’harmoniser les pratiques et les processus, pour, au final, délivrer du conseil aux managers ».

Concrètement, les outils de gestion des talents sont la formation (75 %), le travail sur les carrières et la mobilité (75 %), les plans de succession (55 %)… La rémunération (43 %) ne vient qu’après. « La formation est installée de longue date dans les entreprises ; ses enjeux et processus sont les mieux connus et structurés, analyse Odile Pellier de la commission nationale talent management de l’ANDRH. Quant aux réseaux sociaux, malgré le bruit médiatique qui les accompagne, ils ne font guère recette, avec 13,5 % seulement des entreprises. Ils posent des questions délicates ressortant notamment de la prise de parole des salariés, de la sécurité des échanges et de l’intégration dans l’architecture du système d’information. »

Quels talents? Mais quand on parle de talent, de quoi s’agit-il précisément ? Et qui est concerné ? « Force est de constater que la notion même de talent est identifiée à 86 % à celle de “potentiel”, lui-même principalement défini à 74 % comme “la capacité et la volonté d’évoluer” ou encore à 69 % par “la capacité à prendre un poste de direction”, remarque Michel Diaz, directeur associé de Féfaur. Ce qui traduit une vision élitiste, au moins comparée à celle dont usent les entreprises anglo-saxonnes dans lesquelles un salarié, quel qu’il soit, est un talent. »

Les compétences ainsi attendues d’un talent sont « l’engagement fort pour l’entreprise » (69 %) et « la performance opérationnelle » (68 %). En revanche, s’inquiète Michel Diaz, « deux notions sont peu mises en avant par les entreprises dans leur définition : le management des collaborateurs (39 %) et l’esprit entrepreneurial (24 %), ce qui est questionnant ».

Ce constat s’explique peut-être par le fait que les DRH pointent de nombreux freins au développement d’une plus large politique de gestion des talents. Ils mettent en avant « le manque de budget » (41 %), « le manque de ressources humaines » (34 %), et « l’absence d’outils » (30 %).

Pas d'outils. Sur ce dernier point, il est troublant de constater que la moitié des entreprises interrogées (54 %) avouent n’avoir aucun outil informatique pour gérer et tracer leurs talents, 21 % utilisent leur SIRH et seules 16 % ont un talent management system spécifique. Sans outil, cette politique est-elle tenable ?

Un dernier constat reste difficile à analyser : 61 % des directions générales disent consacrer moins de cinq jours par an à la gestion des talents, dont 18 % quelques heures seulement . « Cette durée correspond à environ 2 % de leur temps de travail annuel, précise Vincent Belliveau, senior vice-président de Cornerstone OnDemand. Et pose la question d’un possible hiatus entre le discours en vogue sur le capital humain et les préoccupations réelles des directions générales. Il est possible cependant que la direction générale se préoccupe des talents de l’entreprise par d’autres voies que le canal officiel supporté par les DRH », avance-t-il.

Une grande diversité des indicateurs. En conclusion, Michel Diaz, directeur de Féfaur, note : « Les indicateurs mis en place pour suivre la gestion des talents frappent par leur variété. Mais nombre d’entre eux sont déjà utilisés traditionnellement dans la gestion des ressources humaines : le nombre de salariés à potentiel (57 %), le pourcentage de postes pourvus par la mobilité interne (46 %), l’ancienneté (43 %)… En revanche, alors que pour 71 % des répondants la gestion des talents est considérée comme critique pour la performance économique de l’entreprise, on ne peut que constater l’absence d’indicateurs permettant de corréler la gestion des talents avec ladite performance ! Sauf très loin dans les réponses, et restreints à deux objets : le chiffre d’affaires (17 %) et le taux de satisfaction des clients (11 %). La fonction RH comme business partner apparaît comme encore lointaine. »

Auteur

  • Laurent Gérard