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“Dire qu’on ne peut rien faire en France me semble ahurissant”

Liaisons Sociales Magazine | Management | publié le : 19.01.2015 | Sabine ­Germain

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Le directeur général de Leboncoin.fr revient sur le succès de la start-up créée il y a huit ans. Il fustige l'idée qu'en France il est difficile de faire du business et souligne le rôle de facilitateur des pouvoirs publics.

Leboncoin.fr est devenu très vite un phénomène de société. L’anticipiez-vous ?

Nous étions très ambitieux quand nous avons lancé le projet. Mais un tel succès ne se programme pas. En revanche, il se gère. Et ce n’est pas forcément facile en mode «hypercroissance». Quand on recrute quelqu’un pour encadrer deux personnes, il a à peine le temps de prendre son poste qu’il doit déjà en superviser 30 à 50. Nous devons donc mettre l’accent sur l’évolution des équipes, faire en sorte qu’elles grandissent comme le site, en taille et en compétences. Ça passe par la forma­tion. Et par un état d’esprit: le changement est vécu comme une opportunité, pas comme quelque chose de stressant.

Un état d’esprit pas très français. Est-ce difficile de faire du business en France ?

Quelle tarte à la crème ! Avec seulement 60 millions d’habitants sur 7 milliards, la France est toujours la cinquième économie mondiale. Dire qu’on ne peut rien faire en France me semble ahurissant. Il n’y a qu’à voir le montant des investissements étrangers, les infrastructures, le niveau d’éducation… Des success stories à la française, il y en a des dizaines.

Quels en sont les ingrédients ?

Un, de l’envie. Deux, un bon produit. Trois, des équipes qui mouillent la chemise. C’est le message que je transmets à tous ceux qui rejoignent la société. Car le succès du Boncoin est un succès collectif. Le secret, c’est l’exigence et le pragmatisme. L’exigence qu’on a tous vis-à-vis de notre travail. Et le pragmatisme qui nous a permis de faire évoluer le modèle écono­mique. Lors du lancement, les sites de petites annonces, en France, proposaient des annonces payantes. Nous avons fait le choix de ne pas demander de frais d’inser­tion au moment du lancement, le temps de nous faire connaître. Le succès du site nous a amenés à envisager d’autres lignes de revenus.

Quel regard portez-vous sur l’environnement économique et réglementaire français ? Le pacte de compétitivité et le CICE sont-ils de bons outils ?

Je n’ai aucun avis sur le sujet. Nous som­mes une société qui se porte bien, qui recrute une centaine de personnes par an et n’a pas besoin d’aller chercher des aides ou des subventions. Tout ce que je peux dire, c’est que la seule fois où nous avons eu besoin des pouvoirs publics, tout s’est extrêmement bien passé : quand nous avons installé nos équipes commerciales à Montceau-les-Mines, la région s’est mobi­lisée pour nous faciliter les choses et nous trouver des locaux.

Leboncoin.fr fait aujourd’hui partie du patrimoine français. Comment le vivez-vous ?

C’est d’abord un supermotif de fierté ! Mais aussi une responsabilité. Ça tombe bien, il s’agit là d’une des quatre valeurs du Boncoin. Et de l’un des fondements du service que nous proposons, car nous donnons une deuxième vie à des objets qui ne méri­tent pas de finir à la décharge.

On s’interroge toutefois sur les vertus de l’économie collaborative. Airbnb, BlaBlaCar ou Leboncoin créent-ils ou détruisent-ils de la valeur ?

Nous sommes dans une logique d’économie circulaire et de consommation raison­née. Cela me semble fondamentalement créateur de valeur sur le long terme. Tout simplement parce qu’on n’a qu’une planète, dont les ressources sont limitées. Permettre à quelqu’un d’autre d’acquérir à moindres frais un objet dont on n’a plus l’usage, partager sa voiture pour lutter contre la pollution, recycler des meubles pour limiter la déforestation sont plutôt des réflexes de bon sens.

Vous parlez d’économie raisonnée, mais vous dirigez une start-up qui ne peut que croître ou mourir…

Nous ne cherchons pas la croissance à tout prix. Gérer la croissance, c’est faire en sorte que la société grandisse avec le projet. L’économie digitale nous permet de proposer gratuitement des annonces qui ­coûtaient par le passé très cher à produire, en impression, en papier, en distribution. La révolution digitale, c’est aussi un partage de la valeur créée avec l’utilisateur, qui bénéficie d’un service de meilleure qualité.

Auteur

  • Sabine ­Germain