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Comment manager après une restructuration

Entreprise & Carrières | Management | publié le : 23.09.2015 | Eric Delon

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À la suite d’une restructuration ou d’une réorganisation, les managers sont immanquablement confrontés à des difficultés liées à la fragilisation
des collaborateurs qui développent souvent un sentiment de culpabilité et une forte incertitude face à l’avenir.

Nous sommes tout début 2015. Professionnel reconnu dans l’univers de la communication, Thomas Jamet est nommé à la tête de Mediabrands, un groupe d’agences de stratégie média basé dans l’ouest parisien. Lors des deux années précédentes, à la suite de la perte d’un gros client à l’international, l’entreprise a traversé des difficultés, enchaînant licenciements et restructurations. « 30 % des salariés avaient quitté l’entreprise, le moral des “survivants” était plus que précaire. Je n’avais pas le droit à l’erreur », expli­que-t-il aujourd’hui.

Sans tarder, Thomas Janet élabore un plan pour redynamiser des troupes en perte de repères : « Tout d’abord, j’ai reçu individuellement mes 90 collaborateurs pour me présenter, recueillir leur ressenti et leur livrer les grands axes de mon plan de développement. Puis j’ai instauré des réunions plénières tous les mois afin de les tenir informés des avancées de ce plan. Enfin, j’ai mis en place un questionnaire anonyme pour tenir compte de leurs suggestions. »

Stress et démotivation Quelle que soit la conjoncture économique, aucune entreprise n’est à l’abri d’une fusion ou d’une réduction d’effectifs engendrant quasi systématiquement pour ceux qui restent stress, démotivation et perte de confiance. D’où la nécessité, soulignent les experts, de mettre en place une politique managériale spécifique : « Ce n’est pas parce que la restructuration s’est déroulée comme prévu (ou pas) qu’il faut cesser d’être à l’écoute des salariés, met en garde Olivier Gallais, manager de transition auprès de directions générales. Bien au contraire, il est fondamental de demeurer proche des équipes au cours de cette phase délicate. Dans la tempête, les managers se sont montrés (omni)présents pour informer ou responsabiliser les équipes. Ces dernières ne comprendraient pas que cette attention cesse du jour au lendemain. Pire, elles se sentiraient trahies, avec le sentiment d’avoir été utilisées, instrumentalisées le temps de leur faire avaler la pilule du changement ! »

Président de l’éditeur open source XWiki, qui possède des équipes de développeurs en France et en Roumanie, Ludovic Dubost a géré une réorganisation importante de sa société il y a quelques mois à la suite du rachat d’une entreprise basée en Algérie. « Il a fallu acclimater ces nouveaux collaborateurs à nos méthodes de travail. Nos équipes ont eu peur que cela retarde le business alors que nous étions déjà à flux tendu. Je suis allé en Roumanie rassurer nos programmeurs en leur expliquant que la nouvelle entité générerait un chiffre d’affaires supplémentaire de 25 %. Côté français, j’ai recruté plusieurs collaborateurs pour ­aider mes équipes à tenir les ­délais. »

Des "survivants" Selon Claude Bodeau, associé RH auprès du cabinet Kurt Salmon, le succès d’une réorganisation dépend étroitement de la faculté que possède l’entreprise – ou le manager – à apporter des améliorations concrètes au quotidien des collaborateurs “survivants”. « Pourquoi, par exemple, ne pas en profiter pour conclure, enfin, un accord de télétravail dont tout le monde parlait ? Pourquoi ne pas améliorer la qualité de vie au travail en aménageant les horaires ou en réexaminant les emplois du temps ? », suggère-t-il.

Mais attention, mettent en garde certains experts, tout cela n’est possible que si l’encadrement a évolué vers un management plus humain, plus proche des réalités du terrain, plus à l’écoute des équipes, de leurs craintes et aussi de leurs idées. « Quel que soit son niveau de responsabilité, un cadre reconnaît avoir besoin qu’on lui fixe des objectifs pour pouvoir se projeter et remplir sa mission, estime Olivier Gallais. Pourquoi en serait-il autrement des employés et des ouvriers, qui, eux aussi, ont besoin de savoir ou ils vont, et comment, pour adhérer à un projet ? Si celui-ci engage leur avenir, il est vital de lui donner du sens pour le rendre crédible, acceptable et, pourquoi pas, désirable. »

Réassurance Manager coach D’où la nécessité, pour le manager, de prendre le temps d’agir véritablement en “manager-coach”. « Dans ce type de contexte d’explication et de réassurance quant au devenir de l’entreprise, le manager doit consacrer 50 % de son temps à jouer ce rôle, quitte à négliger temporairement son rôle opérationnel », suggère Christophe Faurie, spécialiste de la conduite du changement et consultant en entreprise. « Une fois la confiance restaurée, il faut remettre rapidement les collaborateurs dans l’action à travers des projets communs, souligne Olivier Gallais. Tout l’enjeu consiste à entretenir la dynamique de changement tout en instillant un esprit d’innovation participative et de cohésion sociale, qui seront bien utiles si l’évolution du marché nécessite une énième restructuration. »

 

 

LES CONSEILS DU COACH

Annette Chazoule, Manager de l’offre “Management” à Cegos

– 1 – Gérer la dimension émotionnelle
Les managers doivent impérativement s’inquiéter de l’état d’esprit émotionnel des personnes qui restent dans l’entreprise et qui sont susceptibles de développer un sentiment de culpabilité (“syndrome du survivant”). Le manager doit laisser les collaborateurs exprimer individuellement leurs émotions dans cet environnement fragile, anxiogène. Cette approche permettra de répondre à des interrogations et à des craintes légitimes. Le manager pourra ainsi évaluer le niveau de stress des salariés. La dimension émotionnelle fait partie intégrante de ses prérogatives. L’erreur majeure après une restructuration serait de ne se focaliser que sur le processus et de négliger l’humain.

– 2 – Privilégier le sur-mesure
Une fois que les collaborateurs ont exprimé leur ressenti, le rôle du manager est d’accompagner le changement en tenant compte du profil de chacun et de son expérience en matière de changement. Certains auront besoin d’un accompagnement de type “coaching”, d’autres de type “mentoring”. Le manager doit consacrer du temps à expliciter le nouveau mode de fonctionnement, recueillir les attentes de chacun, pour, au final, sécuriser l’ensemble des collaborateurs.

– 3 – Soigner l’aspect organisationnel
Après la phase d’écoute, le manager doit (re)définir et formaliser les objectifs et les missions et fixer des priorités. Il est indispensable de bien clarifier les nouveaux périmètres, afin de permettre à chacun de retrouver des repères et, ainsi, créer de la réassurance. Par ailleurs, il faut réinjecter, en souplesse, du contrôle et de l’autonomie. Il est essentiel de diffuser l’idée que changement rime avec opportunités.

Auteur

  • Eric Delon