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Les pistes des partenaires sociaux pour réformer France Compétences

Formation | publié le : 20.07.2021 | Benjamin d'Alguerre

Plus grande implication financière de l'Etat et des entreprises dans l'apprentissage; pérenisation du FNE-Formation, contrôle des usages du CPF et du PIC, rééquilibrage des pouvoirs au sein du conseil d'administration et des commissions de France Compétences... les partenaires sociaux ont présenté au ministère du Travail les conclusions de leurs travaux sur l'amélioration de l'établissement public chargé de ventiler les fonds de la formation et de l'alternance.

Quarante-neuf propositions pour colmater les trous dans la réforme de la formation professionnelle ! C’est le contenu du relevé de conclusions paritaires sur l’évaluation de la réforme « Pénicaud » de 2018 que les partenaires sociaux (moins la CGT qui ne s’était pas associée à la démarche) ont remis à Elisabeth Borne le 20 juillet. Fruit de presque six mois de concertations menées dans le cadre de leur agenda social autonome, le document dresse un inventaire à la Prévert de mesures à prendre pour replâtrer une réforme jugée perfectible. Si les partenaires sociaux n’entendent pas remettre à plat le système entré en vigueur voici trois ans, ils ont assorti leur relevé de conclusions d’un calendrier des futures concertations et même de certains chiffrages. Côté syndical, on se dit prêt à aller jusqu’à la négociation d’un nouvel ANI alors que, dans le camp patronal, on se tâte encore.

Si l’ensemble de la réforme et des dispositifs nés dans son sillage – alternance, CPF, développement des compétences, Transitions collectives… - fait l’objet de remarques mélioratives, un sujet apparaît comme particulièrement brûlant : celui du financement et de la gouvernance du système. Dans le viseur : France Compétences, l’organisme pilote des politiques de formation et répartiteur de ses financements. Plombé financièrement par le succès d’une politique d’alternance désormais soumise à la règle des « coûts au contrats » fixés par les branches professionnelles et par le recours massif des usagers au compte personnel de formation (plus d’un million selon la Caisse des dépôts, gestionnaire du compte), l’établissement public pourrait, dès la fin d’année, afficher un déficit estimé entre 2,5 et 3 milliards d’euros… après avoir été recapitalisé par l’Etat une première fois à hauteur de 750 millions en 2020 !

Alternance: l'Etat invité à prendre sa part

Pour les partenaires sociaux, les pistes d’économies potentielles sont nombreuses. Sur l’alternance, notamment. Selon les scénarios paritaires, les entreprises seraient davantage mis à contribution dans le processus de financement. Non par une extension de leur contribution formation - contre laquelle le patronat est vent debout - mais par l’instauration d’un « principe d’équité » selon lequel toute entreprise, privée ou publique, susceptible d’accueillir des apprentis, participe au financement du dispositif via la taxe d’apprentissage, charge à l’Etat de discuter avec les branches professionnelles sur les modalités de « neutralisation » de cette taxe… ou de prendre lui-même en charge la facture estimée par les partenaires sociaux à 700 millions d’euros. Autre proposition : mettre à plat le financement de l’apprentissage via la contribution unique à la formation professionnelle (CUFPA) et à l'alternance dans les CFA publics ou les organismes bénéficiant de fonds publics pérennes. Economie estimée pour France Compétences : 50 millions d’euros.

Plus radical encore : les partenaires sociaux demandent à l’Etat de mettre en place un dispositif de suivi des déports des effectifs des jeunes formés par la voie scolaire (y compris dans l’enseignement supérieur) vers l’apprentissage et de reverser ces sommes dans les caisses de l’établissement public avec une économie estimée entre 160 et 210 millions d’euros ! Quant aux coûts-contrats, les partenaires sociaux prévoient une clause de revoyure tous les trois ans afin d’en réviser les montants et laisser les branches construire leur grille des niveaux de prise en charge en supprimant les valeurs plancher de chaque certification et adossant ensuite la stratégie de maitrise des dépenses et la définition de la valeur pivot à la comptabilité analytique des CFA.

Les actions relevant de la solidarité nationale exclues du PIC

Parmi les autres mesures visant à soulager la trésorerie de France Compétences, les partenaires sociaux recommandent une pérennisation des fonds du FNE-Formation et une simplification de leur accès pour les entreprises (en imaginant la mise en place d’une ressource mixte FNE/FSE pour les entreprises de 50 à 300 salariés privées de fonds mutualisés par la réforme), l’élaboration de mesures d’impact de régulation qualitative (sur les certifications et le renforcement du recours au CEP) sur la mobilisation du CPF et l’équilibre de son financement et la mise à contribution du plan d’investissement dans les compétences (PIC) à l’état des finances de France Compétences. Ainsi, le PIC serait amené à restituer à l’établissement public les fonds fléchés vers des actions relevant de la solidarité nationale (économies estimées : 400 millions d’euros) et ses ressources seraient objectivées en fonction des niveaux de retour à l’emploi suite aux actions financées.

Rééquilibrage des pouvoirs entre Etat, Régions et partenaires sociaux

Mais au-delà des seules questions financières,  la gouvernance de France Compétences est remise en question. Depuis son installation en 2019, l’instancequadripartite où siègent représentants de l'Etat, des Régions, des syndicats et des organisations patronales est régulièrement tancée pour son déséquilibre fonctionnel qui voit la balance décisionnaire pencher le plus souvent en faveur de l'Etat.

Afin de rééquilibrer le fonctionnement de France Compétences, les partenaires sociaux proposent de redistribuer les voix de son conseil d'administration et de ses commissions de manière plus équilibrée entre les différents partenaires. Les débats portant sur le budget ou la stratégie seraient ainsi soumis à des votes à la majorité des deix-tiers  Les administrateurs seraient par ailleurs  être en capacité de prononcer des arbitrages sur tous les postes budgétaires (y compris l’alternance, le PIC et le CPF).

D’autres requêtes du relevé de conclusions portent, elles, sur l’amélioration du fonctionnement de l’instance. Les partenaires sociaux suggèrent ainsi la mise en oeuvre d'une stratégie nationale pluriannuelle assortie d'objectifs annuels et d'un processus d’évaluation des objectifs atteints, l’établissement d’un lien avec les CREFOP* pour articuler cette stratégie nationale avec les stratégies régionales, la création d’une nouvelle Commission « alternance » au sein de France Compétences pour en faire un espace de débat et de dialogue strictement au service du suivi de l’alternance, l’association des partenaires sociaux à la gouvernance du CPF auprès de la Caisse des dépôts et consignation, gestionnaire du compte et l’organisation, chaque année, d’un événement favorisant la rencontre et les échanges entre acteurs de la formation professionnelle initiale et continue (Education nationale, Enseignement supérieur, branches professionnelles, entreprises…)

Vaste chantier que le calendrier associé au relevé de conclusions prévoit de mener dans sa globalité entre septembre 2021 et mars 2022….

*Comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles.

 

 

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre