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« Les managers sont des coachs » (Laurent Guillemette, directeur des grands événements sportifs de SNCF)

Homepage | publié le : 03.06.2024 | Propos recueillis par Gilmar Sequeira Martins

Laurent Guillemette

Laurent Guillemette, directeur des grands événements sportifs de SNCF : « Les managers sont des coachs. »

Crédit photo DR

Transformer le travail en défi sportif ? Le groupe SNCF a en tout cas adopté cette optique depuis la Coupe du monde de rugby de 2023 et compte franchir un nouveau palier dans sa transformation managériale lors des JO et des JOP de 2024. Laurent Guillemette, directeur des grands événements sportifs à la SNCF, a accepté de dévoiler les tenants et les aboutissants de cette démarche aux lecteurs d'Entreprise & Carrières.

Combien de salariés du groupe SNCF pratiquent une activité sportive ?

Laurent Guillemette : Sur l’ensemble de nos effectifs, soit 150.000 personnes, nous avons 27.000 licenciés sportifs, soit environ 1 sur 5. Sur l’ensemble du territoire, le groupe dispose d’une centaine de lieux permettant d’exercer une activité sportive. Il y a une deuxième dimension de la pratique sportive, mais au niveau des business unit, sur laquelle nous n’avons qu’une vision partielle parce que ces pratiques naissent parmi les équipes. Le plus souvent, ce sont plutôt des collectifs de personnel qui vont voir le manager en lui expliquant qu’ils ont un projet. Il arrive aussi que des managers sportifs lancent une initiative. Lorsque j’étais directeur adjoint de la gare Montparnasse, il y avait un collectif d'une cinquantaine de contrôleurs férus de course à pied et ils ont organisé un championnat des établissements TGV qui a réuni 800 collaborateurs.

Quelle importance revêt cette pratique pour l’entreprise ?

L. G. : Le groupe reconnaît d’autant plus l’importance du sport et de l’activité physique que le service de la médecine du travail est intégré au sein de la SNCF. Et nous travaillons beaucoup avec les médecins sur ce sujet. Il est clair que la pratique sportive a un impact positif sur l’absentéisme et permet de mieux travailler sur le plan collectif. Les études du CNOSF montrent que les personnes qui pratiquent une discipline sportive sont en moyenne de 15 % à 22 % plus présents dans l’entreprise que les autres. Cela concerne aussi d’autres activités collectives comme le théâtre ou d’autres pratiques culturelles.

Que change la pratique d’un sport dans le travail quotidien ?

L. G. : Pratiquer une activité sportive régulièrement fait évoluer les relations quand on se retrouve en tenue SNCF. Cela tisse des liens qui vont au-delà de la dimension professionnelle. Cela permet de mieux se comprendre et cela augmente la solidarité. Lorsque survient une situation délicate, les gens sont plus souvent volontaires pour s’aider les uns les autres afin de trouver une solution. Cela contribue aussi à accepter des points de vue différents, en particulier lors du partage de feed-back. Et c'est dans ces moments difficiles, dans ces aléas que la force du collectif construite dans la pratique sportive devient cruciale.
La pratique d’activité sportive entre collègues construit un niveau de confiance plus élevé. C’est d’autant plus important chez nous que chacun est un maillon d’une chaîne de services ou de production. Il faut savoir que le simple fait de préparer un train pour que les voyageurs puissent le prendre à l’heure prévue mobilise 80 métiers différents. L’autre apport important du sport, c’est la gestion d’un objectif qui a du sens et qui est porté par un engagement collectif.

Quelles dispositions spécifiques sont mises en place pour les JO et JOP 2024 ?

L. G. : Dans le cadre des Jeux, nous avons mis en place des challenges avec des applications comme Kiplin ou Sport Heroes et nous avons développé une application, FER Play, disponible depuis mai, afin que les agents puissent faire du sport collectivement quand ils le souhaitent. Le principe est très simple : un agent qui veut courir sur dix kilomètres, il envoie une invitation sur l’application et d’autres pourront le rejoindre.


« Les managers se sont mis dans une posture de coach face à leurs équipes : ils font des briefs, des entraînements, et quand les actions sont lancées, ils font des points réguliers pour voir si tout se passe comme prévu ou s’il faut procéder à des ajustements. »



Collectivement, la SNCF va devoir relever un grand défi. Pour que les Jeux de Paris soient un succès, il faut que des millions de personnes puissent se déplacer comme ils le souhaitent. C’est un défi qui nous a amenés à nous préparer comme des athlètes pour « livrer » les prestations qui contribueront à leur succès. Concrètement, les managers se sont mis dans une posture de coach face à leurs équipes : ils font des briefs, des entraînements, et quand les actions sont lancées, ils font des points réguliers pour voir si tout se passe comme prévu ou s’il faut procéder à des ajustements. C’est un processus d’apprentissage continu qui nous fait constamment avancer.

Comment est né ce processus ?

L. G. : Cet élan a pris naissance à la tête de l’entreprise avec le président et les 25 grands dirigeants du Comex du groupe SNCF. Nous avons lancé cette démarche lors de la Coupe du monde de rugby en France et nous continuerons à diffuser cette nouvelle attitude managériale durant ces Jeux olympiques et les Jeux paralympiques. Cette période sera une phase idéale pour s'entraîner, maîtriser le vocabulaire sportif et dire les choses clairement, quand les choses ne marchent pas, mais aussi quand elles marchent.


« Il s’agit d’entrer dans la dynamique de progrès continu dans laquelle évoluent les sportifs. »



L’objectif est de faire évoluer notre système de management. Nous avons un système de management assez industriel, mais qui n’est finalement pas si éloigné du système de management des sportifs puisque nous fonctionnons aussi avec des équipes collectives. Pour le faire évoluer, je crois qu'il faut être plus proche du terrain et c'est ce que nous faisons maintenant depuis trois ans. Grâce aux messages très clairs diffusés par la tête de l'entreprise et avec la déclinaison managériale, cette démarche arrive jusqu'à l’agent qui se trouve dans l'espace de vente.
C’est vraiment un travail de proximité, de conviction et de management. Dans le monde sportif, on dit ce qui va, ce qui ne va pas et on s’adapte plus vite. C’est cet héritage que nous devons garder de la Coupe du monde de rugby et que nous devons renforcer durant les Jeux de Paris 2024.

 

Quels sont les objectifs de cette démarche ?

L. G. : C’est en incluant cette dimension sportive dans le management que nous aimerions augmenter la qualité de nos services. Il s’agit de considérer que la performance atteinte n’est pas un plateau, mais un point de départ pour le futur, pour aller encore plus haut. Il s’agit d’entrer dans la dynamique de progrès continu dans laquelle évoluent les sportifs. L’expression « le moins possible » ne fait pas partie du vocabulaire des sportifs et ne doit pas faire partie du nôtre.
Le fait d'embrasser ce vocabulaire sportif est une démarche et nos athlètes en sont les ambassadeurs. Nous avons fait des webséries avec eux sur les questions de performance, la façon de gérer le stress ou d’organiser un plan de montée en charge. Nous utilisons les témoignages et les savoir-faire de ces jeunes hommes et ces jeunes femmes pour montrer ce qui est transposable dans les pratiques professionnelles.

Auteur

  • Propos recueillis par Gilmar Sequeira Martins